Ce qu’il faut retenir sur la responsabilité du gérant de SARL
✔ Un gérant peut être poursuivi sur deux fondements distinctsL’approbation d’une convention réglementée ne protège pas le gérant s’il a commis une faute de gestion, par exemple en concluant un contrat désavantageux pour la SARL.
✔ Les décisions des associés n’effacent pas la faute de gestionL’article L. 223-22, alinéa 5 du Code de commerce prévoit qu’aucune décision d’assemblée ne peut éteindre une action en responsabilité contre un gérant pour des fautes commises dans sa gestion.
✔ Une vigilance accrue est nécessaire dans la conclusion des conventionsLe gérant doit non seulement respecter les formalités des conventions réglementées, mais aussi justifier leur intérêt économique, sous peine d’engager sa responsabilité personnelle.
💡 En pratique, un audit juridique des conventions et une documentation rigoureuse sont indispensables pour prévenir tout risque contentieux.

Le gérant d’une SARL est tenu de respecter un cadre juridique strict dans l’exercice de ses fonctions. Parmi les nombreuses obligations qui lui incombent, la gestion des conventions réglementées constitue une source fréquente de contentieux.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 décembre 2024 (Cass. com., 18-12-2024, n° 22-21.487) vient préciser un point fondamental en matière de responsabilité : un gérant peut voir sa responsabilité engagée à la fois sur le fondement des conventions réglementées irrégulières (article L. 223-19, alinéa 4 du Code de commerce) et sur celui de la faute de gestion (article L. 223-22 du même code), y compris si la convention a été approuvée par l’assemblée générale des associés.
Dès lors, comment articuler ces deux fondements de responsabilité ? L’approbation d’une convention réglementée par l’assemblée des associés protège-t-elle totalement le gérant ? Cet article propose une analyse approfondie des implications pratiques de cette décision et de ses conséquences pour les dirigeants de SARL.
1. Conventions réglementées et faute de gestion : deux régimes de responsabilité distincts
1.1 Définition des conventions réglementées en SARL
Les conventions réglementées sont celles conclues entre la société et l’un de ses dirigeants ou associés, lorsqu’elles ne portent pas sur des opérations courantes conclues à des conditions normales. Afin de prévenir les conflits d’intérêts, ces conventions doivent être soumises à une procédure de contrôle et d’approbation prévue par l’article L. 223-19 du Code de commerce.
Ce texte impose une obligation d’information et de transparence :
Le gérant doit informer les associés de l’existence et des conditions de la convention.
Un rapport spécial doit être établi et soumis à l’assemblée générale, qui décide d’approuver ou non la convention.
En cas de non-approbation, la convention peut produire ses effets mais le gérant peut être tenu responsable des conséquences préjudiciables pour la société.
Cependant, ce contrôle ne suffit pas à exonérer le gérant de toute responsabilité.
1.2 La responsabilité pour faute de gestion en matière de convention réglementée
L’article L. 223-22 du Code de commerce prévoit que les gérants de SARL sont responsables, individuellement ou solidairement, envers la société ou envers les tiers :
Des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à la société.
Des fautes commises dans leur gestion.
Ainsi, même si une convention réglementée a été dûment approuvée, le gérant demeure responsable s’il a agi dans des conditions portant atteinte à l’intérêt social ou si la convention a été conclue à des conditions manifestement défavorables pour la SARL.
2. La position de la Cour de cassation : une responsabilité cumulable
L’arrêt du 18 décembre 2024 apporte une clarification essentielle : la possibilité d’engager la responsabilité du gérant pour une convention non approuvée n’exclut pas d’engager une action en faute de gestion, et ce, même lorsque la convention a été approuvée par l’assemblée.
La Cour considère que :
Le gérant doit répondre des conséquences négatives d’une convention réglementée non approuvée.
Mais l’approbation de la convention ne signifie pas qu’elle a été conclue dans l’intérêt de la société.
Un gérant peut être fautif s’il accepte une convention désavantageuse pour la SARL, indépendamment du contrôle exercé par les associés.
Cette solution s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence constante, notamment un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 28 juillet 2016 (CA Paris, 28-07-2016, n° 15/04260) ayant jugé qu’un dirigeant commet une faute de gestion en ne soumettant pas une convention réglementée à l’approbation des associés.
3. Conséquences pratiques pour les gérants de SARL
3.1 Une vigilance accrue lors de la conclusion des conventions réglementées
Les gérants de SARL doivent désormais intégrer un double niveau de contrôle :
Respecter strictement la procédure des conventions réglementées (rapport spécial, information des associés, vote en assemblée).
S’assurer que la convention est conclue dans l’intérêt social, sous peine d’engager leur responsabilité pour faute de gestion.
Le risque juridique est d’autant plus important lorsque le gérant est intéressé à la convention, comme c’était le cas dans l’arrêt du 18 décembre 2024, où le gérant détenait 99 % de la société cocontractante.
3.2 L’exonération de responsabilité reste limitée
L’article L. 223-22, alinéa 5 du Code de commerce précise qu’aucune décision de l’assemblée ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants. En d’autres termes :
L’approbation d’une convention ne couvre pas une gestion fautive.
L’action en responsabilité peut être engagée même si les associés ont donné leur accord à la convention.
La bonne foi du gérant ne suffit pas à exclure sa responsabilité, si la convention a des conséquences financières négatives pour la société.
3.3 Une solution transposable aux autres formes de sociétés ?
Bien que la décision concerne une SARL, elle semble transposable aux autres formes sociales, notamment :
Sociétés anonymes (SA) et Sociétés en commandite par actions (SCA), dont les dirigeants peuvent voir leur responsabilité engagée sur le fondement de l’article L. 225-251 du Code de commerce.
Sociétés par actions simplifiées (SAS), où le dirigeant reste tenu de respecter les règles d’intérêt social et de loyauté.
Sociétés civiles ayant une activité économique, soumises aux principes généraux du droit des sociétés.
Conclusion : une obligation de prudence pour les gérants de SARL
Cette jurisprudence réaffirme que la responsabilité du gérant ne peut être évitée par un simple vote des associés. Une convention réglementée, même approuvée, peut donner lieu à une action en responsabilité pour faute de gestion si elle est contraire aux intérêts de la société.
Les gérants doivent donc adopter une approche prudente en justifiant systématiquement de l’intérêt social des conventions conclues, sous peine de voir leur responsabilité engagée sur plusieurs fondements.
En pratique, un audit juridique des conventions réglementées et une conformité stricte aux règles de gouvernance restent les meilleures garanties pour prévenir tout risque contentieux.