Mandataire social et arrêt de travail : que prévoit le droit ?
- Le Bouard Avocats
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Peut-on être mandataire social et en arrêt de travail ? Ce qu’il faut retenir
Un mandataire social peut être en arrêt de travail, dès lors qu’un médecin constate une incapacité temporaire, mais cela ne suspend pas automatiquement son mandat.
L’indemnisation dépend du régime d’affiliation : régime général pour les assimilés salariés (ex. président de SAS) ou SSI pour les gérants majoritaires de SARL, avec des conditions strictes.
L’exercice de fonctions pendant l’arrêt peut compromettre les droits à indemnisation et engager la responsabilité du dirigeant en cas de faute de gestion.
Une délégation de pouvoirs ou la nomination d’un suppléant est fortement recommandée pour assurer la continuité de l’entreprise sans risque juridique.

La situation juridique du mandataire social, à la croisée des chemins entre le droit du travail et le droit des sociétés, soulève de nombreuses interrogations. Parmi elles, celle de savoir si un mandataire social peut bénéficier d’un arrêt de travail mérite une attention particulière.
En pratique, il n’est pas rare qu’un dirigeant de société — président de SAS, gérant de SARL, directeur général ou administrateur de SA — soit confronté à une pathologie ou un accident entraînant une incapacité temporaire.
Mais ce statut singulier, qui se distingue du salariat classique, implique des règles spécifiques, tant en matière d’assurance maladie que de maintien des fonctions. Il importe donc de clarifier les droits du mandataire social en arrêt maladie, afin d’apporter une réponse fiable à une problématique souvent mal comprise.
I. Le statut particulier du mandataire social : entre indépendance et responsabilité
A. Qu’est-ce qu’un mandataire social ?
Le mandataire social désigne toute personne investie d’un pouvoir de représentation et de gestion au sein d’une société. Il peut s’agir, selon la forme juridique de l’entreprise, du gérant d’une SARL, du président d’une SAS ou d’une SASU, du président-directeur général d’une SA ou encore d’un administrateur.
À la différence d’un salarié, le mandataire social n’est pas lié à la société par un contrat de travail. Cette absence de lien de subordination, critère central défini par la jurisprudence (notamment Cass. soc., 13 novembre 1996, n°94-13.187), justifie une exclusion du Code du travail, sauf cas très encadrés où un double statut est reconnu — par exemple lorsqu’un dirigeant exerce également des fonctions techniques distinctes sous l’autorité de la société.
En conséquence, le mandataire social n’est pas considéré juridiquement comme un salarié, même s’il perçoit une rémunération. Ce positionnement hybride a des effets directs sur ses droits en matière de protection sociale.
B. Régime juridique et protection sociale du mandataire
Le régime de protection sociale applicable au mandataire social dépend de la forme de la société et de la nature du mandat exercé :
Les gérants majoritaires de SARL sont affiliés à la Sécurité sociale des indépendants (SSI), relevant du régime des travailleurs non-salariés.
Les présidents de SAS ou SASU ainsi que les directeurs généraux de SA sont considérés comme des assimilés salariés, affiliés au régime général de la Sécurité sociale, mais sans droit à l’assurance chômage.
Dans les deux cas, aucune couverture systématique n’est prévue en cas d’incapacité de travail, sauf à ce que le dirigeant ait souscrit une assurance de prévoyance individuelle.
En l’absence de contrat de prévoyance ou d’options spécifiques intégrées au régime obligatoire, le mandataire social n’a pas droit aux indemnités journalières versées par l’Assurance maladie en cas d’arrêt de travail, même si un médecin a reconnu une incapacité temporaire.
Cette réalité mérite d’être connue : l’existence d’un arrêt de travail médicalement prescrit n’ouvre pas automatiquement de droits indemnitaires, contrairement à ce qui est prévu pour un salarié protégé par le Code du travail (articles L.1226-1 et suivants).
Toutefois, les dirigeants affiliés au régime général peuvent, sous certaines conditions, cotiser à l’assurance volontaire invalidité et maladie auprès de l’Assurance maladie. Encore faut-il que cette démarche ait été anticipée, ce qui reste rarement le cas.
Pour les autres profils, notamment les travailleurs indépendants, le versement d’indemnités journalières n’intervient que s’ils remplissent les critères de durée d’affiliation, de régularité des cotisations et qu’ils respectent les délais de carence définis par la législation en vigueur (article L.622-3 du Code de la sécurité sociale).
Enfin, il convient de rappeler que les mandataires sociaux peuvent — et doivent — souscrire à des contrats de prévoyance privés pour pallier les lacunes du régime légal. Ces assurances facultatives sont essentielles pour garantir un revenu de substitution en cas de maladie ou d’accident.
En résumé, un mandataire social peut juridiquement être en arrêt de travail dès lors qu’un médecin établit un certificat d’arrêt. Toutefois, cette situation ne donne lieu à indemnisation que si le régime de sécurité sociale applicable ou un contrat de prévoyance le prévoit expressément.
Dans un contexte où le rôle du dirigeant est essentiel à la continuité de l’entreprise, il est impératif de sécuriser sa protection sociale par anticipation. Ce point doit faire l’objet d’une analyse approfondie dès la création de la structure, en lien avec les avocats en droit du travail, les experts comptables et les spécialistes de la protection sociale.
II. Le mandataire social peut-il bénéficier d’un arrêt de travail au sens médical ?
A. Reconnaissance médicale de l’incapacité
Le mandataire social, bien qu’il ne soit pas juridiquement assimilé à un salarié de droit commun, demeure une personne physique soumise aux aléas de la santé. À ce titre, il peut naturellement faire l’objet d’un arrêt de travail prescrit par un professionnel de santé, dans les mêmes conditions que tout autre individu.
Cette reconnaissance médicale de l’incapacité de travail, matérialisée par un certificat médical, n’est en aucun cas conditionnée par le statut juridique de l'intéressé.
Toutefois, l’existence d’un arrêt médical ne confère pas automatiquement un droit à indemnisation. Le droit social distingue en effet la réalité médicale de l’incapacité de l’ouverture effective de droits sociaux.
L’arrêt de travail, s’il traduit une impossibilité temporaire d’exercer une activité, ne produit d’effets indemnitaires que dans le cadre d’un régime de protection sociale adéquat.
B. Quid de l’indemnisation ?
La possibilité de percevoir des indemnités journalières pendant un arrêt de travail dépend du régime d’affiliation du mandataire social :
Le gérant majoritaire de SARL, relevant de la Sécurité sociale des indépendants (SSI), n’a droit aux indemnités journalières qu’à condition d’avoir cotisé suffisamment, notamment sur une base de revenu minimal (article L.622-3 du Code de la sécurité sociale). Un délai de carence de 7 jours est en outre applicable.
À l’inverse, les dirigeants assimilés salariés, comme le président de SAS ou de SASU, sont affiliés au régime général. S’ils respectent les conditions d’ouverture de droits (cotisation minimale sur un salaire réel, durée d'affiliation suffisante), ils peuvent prétendre à une indemnisation, à l’exclusion toutefois de l’assurance chômage.
En pratique, une part importante des mandataires sociaux n’est pas couverte, faute de prévoyance complémentaire. Ainsi, l’adhésion à un contrat de prévoyance individuelle est fortement recommandée pour compenser l’absence de filet social.
Ce contrat, souvent négligé lors de la création de la société, constitue pourtant le seul rempart efficace contre la désorganisation financière qu’entraîne une incapacité temporaire de travail.
Le cas du mandataire social en arrêt maladie illustre parfaitement la complexité du statut hybride du dirigeant : autorisé médicalement à cesser temporairement son activité, mais souvent exclu du champ de la solidarité sociale, sauf à avoir souscrit une couverture spécifique.
III. Conséquences juridiques et pratiques de l’arrêt de travail d’un mandataire social
A. L’entreprise est-elle paralysée ?
L’incapacité temporaire d’un mandataire social n’interrompt pas automatiquement l’activité de l’entreprise. Contrairement au salarié, son mandat n’est pas suspendu par un simple arrêt de travail. Toutefois, des mesures doivent être envisagées pour garantir la continuité de la gestion.
Solutions envisageables :
Délégation de pouvoirs temporaire : encadrée, précise, et limitée dans le temps, elle peut permettre à un collaborateur de gérer les affaires courantes.
Nomination d’un co-gérant (en SARL) ou d’un directeur général délégué (en SAS), selon les statuts.
Recours à un mandataire ad hoc désigné par les associés ou l’organe compétent.
Ces mécanismes permettent d’éviter un blocage de l’entreprise, notamment en cas d’arrêt prolongé du dirigeant.
B. Droits et devoirs pendant l’arrêt du mandataire
Le mandataire social ne relève pas du Code du travail. Il n’est donc pas soumis à l’interdiction stricte d’exercer une activité pendant un arrêt de travail, sauf disposition contractuelle ou statutaire spécifique.
Points à retenir :
Un arrêt médical ne suspend pas le mandat de manière automatique.
Le dirigeant peut, en principe, continuer à exercer certaines fonctions si elles sont compatibles avec son état de santé.
En revanche, exercer une activité incompatible avec l’arrêt prescrit peut :
compromettre les droits à indemnisation (notamment en cas de contrat de prévoyance),
exposer à un risque de contestation ou de litige en cas de contrôle.
Il est donc important d’adopter une posture cohérente entre l’incapacité déclarée et les actes effectivement réalisés.
C. Impact sur la responsabilité du dirigeant
Même en arrêt de travail, le mandataire social reste juridiquement responsable de sa gestion. Son absence ne constitue pas une cause d’irresponsabilité.
Risques à anticiper :
Si une faute de gestion survient durant l’arrêt, sa responsabilité peut être engagée :
civilement, en application des articles L.223-22 (SARL) ou L.225-251 (SA) du Code de commerce,
pénalement, en cas de manquements graves.
En cas de maladie grave ou incapacité prolongée, les associés peuvent envisager :
une révocation pour empêchement, dans les formes prévues par les statuts,
ou la modification de la gouvernance de la société pour éviter les blocages.
Oui, un mandataire social peut être placé en arrêt de travail, sous réserve d’une incapacité médicalement constatée. Toutefois :
💡 Le droit à indemnisation dépend du régime de protection sociale (régime général ou SSI) et d’une éventuelle prévoyance privée.
📌 L’arrêt de travail n’entraîne pas la suspension automatique des fonctions : il faut donc anticiper toute délégation ou nomination temporaire.
🛡️ Enfin, un arrêt n’efface pas la responsabilité du dirigeant. La société, comme le mandataire, a tout intérêt à être accompagnée par un avocat en droit du travail et des sociétés pour organiser une continuité conforme à la loi et à la réalité de l’entreprise.
Une gestion rigoureuse de cette situation limite les risques juridiques et garantit la stabilité de la structure, même en cas de défaillance temporaire de son représentant légal.