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Comment sécuriser la révocation du gérant de SARL sans risquer la nullité de l'assemblée

  • Photo du rédacteur: Le Bouard Avocats
    Le Bouard Avocats
  • il y a 3 jours
  • 4 min de lecture

Révoquer un gérant de SARL en toute sécurité juridique


  • L’absence de mention du motif au procès-verbal n’entraîne pas la nullité : aucune règle impérative n’y oblige (Cass. com., 7 mai 2025).

  • La violation d’une clause statutaire, isolée de tout texte impératif, ne suffit jamais à faire annuler l’assemblée.

  • La preuve d’un abus de majorité incombe au gérant évincé ; la société n’a pas à démontrer la légitimité de sa décision.

  • Dès le 1ᵉʳ octobre 2025, la réforme des nullités confirme cette ligne : seule la violation d’une disposition impérative de droit des sociétés pourra fonder une action en annulation.



Pourquoi la mention du motif au procès-verbal soulève-t-elle autant de litiges ?


La révocation du gérant de société à responsabilité limitée demeure l’un des actes de gouvernance les plus sensibles. Elle concentre, en une seule décision, les tensions sociales, la protection de l’entreprise et le risque contentieux.


Beaucoup d’associés pensent qu’il suffit d’indiquer, noir sur blanc, un motif dans le procès-verbal pour prémunir l’assemblée contre la contestation ; d’autres, au contraire, omettent toute référence par crainte d’aviver le conflit.


L’arrêt Cass. com., 7 mai 2025, n° 23-21.508 rappelle que le défaut de cette mention ne peut, à lui seul, fonder la nullité de l’assemblée. Pour les dirigeants et les associés, il s’agit d’une clarification majeure.


Rappel du cadre légal avant le 1ᵉʳ octobre 2025


L’article L 235-1 du Code de commerce : un filtre strict


En l’état du droit, la nullité d’une décision sociale ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du Livre II du Code de commerce ou des règles du droit commun des contrats.


Autrement dit, l’inexécution d’une clause statutaire, même rédigée en termes péremptoires, n’entraîne pas nullité si elle n’est pas l’émanation d’une faculté laissée par un texte impératif (Com., 18 mai 2010, n° 09-14.855).


La révocation avec ou sans juste motif du gérant de SARL


L’article L 223-25, alinéa 1, dispose que la révocation peut donner lieu à dommages-intérêts lorsqu’elle est prononcée sans juste motif. Le texte ne rend toutefois pas impérative l’existence d’un juste motif, et n’exige pas qu’il figure au procès-verbal. Le gérant est donc valablement écarté, quitte à être indemnisé ultérieurement.


L’arrêt du 7 mai 2025 : quels enseignements pratiques ?


Les faits et la solution


La cour d’appel de Papeete avait annulé une assemblée qui ne consignait pas le motif de révocation du gérant, estimant que les statuts l’imposaient. La Chambre commerciale censure : aucune règle impérative n’exige la mention du motif ; le non-respect des statuts ne suffit pas.


La haute juridiction précise également que la charge de prouver l’abus de majorité incombe à la partie qui l’allègue – et non à la société.


En pratique


  • Pas de nullité automatique si le motif n’est pas écrit.

  • Pas de renversement de la charge de la preuve : c’est au gérant évincé de démontrer l’abus.

  • Reste le risque indemnitaire : l’absence de juste motif peut ouvrir droit à réparation.


Anticiper la réforme des nullités (ordonnance 2025-229)


Les nouveaux termes de l’article 1844-10 du Code civil


À compter du 1ᵉʳ octobre 2025, l’article 1844-10 remplace l’article L 235-1 : la nullité ne pourra résulter que de la violation d’une « disposition impérative de droit des sociétés ». Aucune de ces dispositions ne requiert la transcription du motif de révocation au procès-verbal. Le raisonnement de la Cour de cassation gardera donc toute sa pertinence.


Bonnes pratiques pour les associés et dirigeants


Avant l’assemblée : préparer la décision


  • Établir un dossier factuel : performances, incidents de gestion, conflits d’intérêt.

  • Informer loyalement le gérant concerné pour éviter toute violation du contradictoire.

  • Vérifier les statuts : majorité requise, délais de convocation, quorum.


Pendant l’assemblée : sécuriser le formalisme


  • Respecter l’article R 223-24 : émargement, feuille de présence, signature du bureau.

  • Consigner avec rigueur les votes, sans se sentir obligé de justifier publiquement le motif.

  • Éviter les dérapages : toute atteinte à la dignité du gérant peut nourrir une action indemnitaire.


Après l’assemblée : prévenir le contentieux


  • Publier la décision au greffe et au registre du commerce dans le délai légal.

  • Notifier sans délai la révocation au gérant évincé pour déclencher le délai de contestation.

  • Négocier une sortie amiable si le risque de dommages-intérêts paraît avéré.


Révoquer sans fragiliser la gouvernance


La jurisprudence du 7 mai 2025 confirme que le procès-verbal n’est pas une pièce à conviction : il fixe les résolutions, il ne motive pas la décision. Pour les chefs d’entreprise, l’enjeu consiste désormais à trouver l’équilibre entre transparence et sécurité juridique :


  • Mentionner le motif est facultatif, mais peut rassurer la minorité quand il est solide.

  • S’abstenir de le consigner évite d’offrir une prise aux débats ultérieurs, à condition de pouvoir prouver sa réalité par d’autres pièces.

  • Documenter la procédure et anticiper la réforme d’octobre 2025 constituent la meilleure défense contre la nullité et l’abus de majorité.


En suivant ces lignes directrices, les associés de SARL peuvent révoquer un gérant inefficace ou défaillant sans exposer la société à l’insécurité juridique. La gouvernance gagne en réactivité, la structure en crédibilité et le dirigeant évincé conserve, le cas échéant, le recours indemnitaire prévu par l’article L 223-25.

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