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Indemnités de grand déplacement : ce que doivent savoir employeurs et salariés en 2025

  • Photo du rédacteur: Le Bouard Avocats
    Le Bouard Avocats
  • 30 juin
  • 5 min de lecture

Ce qu’il faut savoir sur la prise en charge des indemnités de grand déplacement en 2025


Les indemnités de grand déplacement versées aux salariés en mission loin de leur domicile peuvent être exonérées de cotisations sociales, à condition de respecter un cadre strict récemment clarifié par la Cour de cassation. Voici l’essentiel à retenir :


  • L’exonération est conditionnée à des frais réellement supportés par le salarié : Peu importe que l’employeur avance les frais (hébergement notamment) : l’exonération est admise dès lors que le salarié assume in fine la charge, par exemple via une retenue sur salaire.

  • Le régime repose sur une présomption d’utilisation conforme des indemnités : Lorsque l’indemnité est versée dans les limites forfaitaires fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002, et que le salarié est bien en situation de grand déplacement, l’employeur est présumé avoir respecté la finalité du versement.

  • L’employeur doit conserver la preuve de la réalité des dépenses : Ordres de mission, justificatifs de déplacement, retenues de loyer : autant d’éléments qui devront être produits en cas de contrôle URSSAF pour sécuriser l’exonération.

  • La jurisprudence du 10 avril 2025 renforce la sécurité juridique des entreprises : En validant le principe selon lequel la nature de la dépense prime sur le circuit financier, la Cour de cassation reconnaît une approche de fond favorable aux employeurs rigoureux.



La prise en charge des frais professionnels liés aux grands déplacements constitue un point de vigilance crucial pour les employeurs.


Si le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre est connu, son interprétation jurisprudentielle a fait l’objet d’une clarification majeure par la Cour de cassation le 10 avril 2025. L’occasion de faire le point, dans un contexte où les contrôles URSSAF se multiplient.


Comprendre le régime social des indemnités de grand déplacement


Définition et fondement juridique


L’indemnité de grand déplacement est une allocation versée aux salariés qui, pour des raisons professionnelles, doivent s’éloigner de leur résidence habituelle et ne peuvent regagner leur domicile quotidiennement. Elle vise à compenser les dépenses supplémentaires de repas et de logement que cette situation occasionne.


Ce régime trouve son fondement dans l’article 5 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels.


Ce texte prévoit que, sous conditions, les indemnités versées dans ce contexte peuvent être exclues de l’assiette des cotisations sociales, sans nécessité de fournir des justificatifs, dès lors qu’elles ne dépassent pas les plafonds réglementaires.



À retenir : Pour bénéficier de l’exonération : Le salarié doit être effectivement en situation de grand déplacement. Des frais supplémentaires doivent avoir été réellement engagés. L’indemnité doit correspondre à sa finalité (logement, repas). Son montant doit respecter les plafonds de l’arrêté du 20 décembre 2002.

Un régime fondé sur une présomption… sous conditions


Lorsque ces conditions sont réunies, l’administration fiscale et l’URSSAF admettent une présomption d’utilisation conforme de l’indemnité, ce qui permet à l’employeur de s’exonérer de charges sociales sur les montants versés dans la limite fixée.


Cette présomption est néanmoins fragile et ne joue qu’à la condition que les dépenses soient réellement supportées par le salarié.


L’apport de la jurisprudence du 10 avril 2025 : une avancée pour la sécurité juridique


Les faits à l’origine du litige


Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation (n° 23-10.593), une entreprise avait conclu des baux pour loger ses salariés en déplacement, puis procédait à des retenues sur leurs bulletins de salaire pour se rembourser. Par ailleurs, elle leur versait une indemnité forfaitaire pour couvrir ces dépenses.


L’URSSAF considérait que les salariés ne supportaient pas réellement de charges, puisque l’employeur avançait les frais. En conséquence, elle réintégrait dans l’assiette des cotisations sociales la différence entre l’indemnité versée et la retenue opérée.


La position de la Cour de cassation


La deuxième chambre civile rappelle un principe fondamental : peu importe que la dépense ait été avancée par l’employeur, dès lors que le salarié en reste le débiteur final. Autrement dit, l’essentiel n’est pas le circuit financier, mais la réalité de la charge supportée.

Extrait de l’arrêt du 10 avril 2025 :« Il importe peu que la charge de ces dépenses soit avancée par l’employeur, dès lors qu’elle est effectivement supportée par le salarié, ce qu’il appartient au juge de vérifier. »

Ainsi, dès lors que :


  • les salariés étaient effectivement en déplacement,

  • qu’ils ne pouvaient pas rentrer chez eux,

  • et qu’ils supportaient des frais spécifiques (au-delà du loyer : équipements, téléphonie, etc.),


… alors l’indemnité versée était réputée avoir été utilisée conformément à son objet, et donc exonérable dans les limites forfaitaires.


Une jurisprudence de consolidation


La Cour confirme ici une ligne jurisprudentielle déjà amorcée (Cass. 2e civ. 12 février 2015, n° 14-10.635 ; Cass. 2e civ. 13 octobre 2022, n° 21-14.031), selon laquelle le caractère de frais professionnels est reconnu à la substance des dépenses, non à leur modalité d’avance.


Cela renforce la sécurité juridique des employeurs, à condition de pouvoir démontrer :


  • que le salarié était contraint de s’éloigner durablement,

  • qu’il supportait effectivement des charges supplémentaires,

  • et que l’indemnité correspondait à l’objet prévu.


Obligations de preuve et vigilance à maintenir


Ce que l’employeur doit être en mesure de démontrer


L’exonération ne saurait être automatique. L’employeur doit pouvoir établir, en cas de contrôle :


  • La réalité de la mission nécessitant le grand déplacement (ordre de mission, attestation d’hébergement temporaire, justificatifs de la distance domicile-lieu de travail).

  • L’exposition à des frais supplémentaires réels (retenue sur salaire pour loyer, attestations de frais annexes, etc.).

  • Le respect des plafonds réglementaires (48 € par nuitée en métropole en 2025, sauf révision).


En l’absence de justificatif ou si l’indemnité ne correspond pas à des frais engagés, l’URSSAF est fondée à réintégrer les sommes versées dans l’assiette des cotisations sociales.

Quid des frais avancés par l’entreprise ?


L’arrêt du 10 avril 2025 sécurise une pratique fréquente : celle où l’employeur avance les frais (notamment de logement), puis les refacture ou les compense via retenue sur salaire. Cette pratique ne fait pas obstacle à l’exonération, tant que le salarié en assume la charge finale.

À noter : la jurisprudence ne remet pas en cause l’obligation d’individualisation des versements. L’indemnité de grand déplacement ne peut être généralisée à l’ensemble du personnel sans lien avec des frais réels.

Les risques encourus en cas de redressement URSSAF


L’enjeu n’est pas anodin. En cas de contrôle, les redressements peuvent s’avérer coûteux, notamment si l’URSSAF :


  • conteste l’objet de l’indemnité (usage personnel ou absence de frais réels),

  • considère que l’indemnité constitue un complément de salaire déguisé,

  • applique des majorations de retard ou des pénalités.


Dans l’affaire commentée, l’URSSAF avait procédé à un redressement de plus de 120 000 €, finalement annulé en partie par la Cour de cassation.

En résumé : ce qu’il faut retenir pour 2025


  • L’indemnité de grand déplacement reste exonérée de cotisations sociales si elle compense des frais réellement supportés par le salarié.

  • Le fait que l’employeur avance les frais ne remet pas en cause cette exonération, tant que le salarié en demeure le débiteur final.

  • Les plafonds forfaitaires doivent impérativement être respectés.

  • L’entreprise doit pouvoir prouver la situation de déplacement et les charges réelles assumées.

  • Une documentation rigoureuse est indispensable en cas de contrôle URSSAF.


L’arrêt du 10 avril 2025 constitue une clarification bienvenue en matière de frais professionnels. Il rappelle que le droit social, au-delà des formes, s’attache à la réalité économique des situations.


Pour l’employeur, cela implique un devoir de prudence documentaire. Pour le salarié, cela garantit une meilleure reconnaissance des sujétions liées à la mobilité.


Une lecture attentive du dispositif d’exonération et une gestion rigoureuse des justificatifs sont plus que jamais nécessaires pour sécuriser la pratique des grands déplacements.

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