Combien de fois un employeur peut‑il refuser une rupture conventionnelle ?
- Le Bouard Avocats
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Un employeur peut refuser la rupture conventionnelle sans limite légale, sous réserve de bonne foi
Aucun plafond prévu par la loi : ni le Code du travail ni la jurisprudence ne fixent de nombre maximum de refus.
Obligation de loyauté (art. L1222‑1) : un refus devient fautif s’il dissimule une discrimination ou une volonté de nuire.
Abus caractérisé dès lors que les refus répétés sont dépourvus de justification objective ou fondés sur un motif illicite.
Voies de négociation : nouvelle proposition chiffrée, médiation interne, intervention du CSE pour rétablir le dialogue.
Recours ultimes : saisine de l’inspection du travail, prise d’acte ou résiliation judiciaire si les manquements de l’employeur sont graves et étayés.

Depuis l’entrée en vigueur du dispositif en 2008, la rupture conventionnelle séduit employeurs et salariés, car elle concilie liberté contractuelle et sécurité juridique.
Une interrogation revient pourtant dans presque chaque consultation : un employeur peut‑il opposer plusieurs refus successifs ?
L’enjeu pratique est considérable ; savoir si le dialogue peut être réouvert à volonté permet d’ajuster la stratégie de négociation. Le présent exposé démontre, texte à l’appui, qu’aucun plafond légal n’encadre ces refus, mais que la bonne foi contractuelle et le principe de non‑discrimination en bornent néanmoins l’exercice.
Il éclaire enfin les voies de recours dont dispose le salarié.
Rappel juridique de la rupture conventionnelle
Le régime figure aux articles L 1237‑11 à L 1237‑16 du Code du travail. Trois séquences jalonnent la procédure :
Négociation : au moins un entretien, consigné par écrit, fixe les conditions financières (indemnité spécifique) et la date envisagée de rupture.
Signature du formulaire CERFA : les parties arrêtent leur accord par écrit. Chaque signataire bénéficie d’un délai de rétractation de quinze jours calendaires.
Homologation administrative : la demande est transmise à la DREETS, qui contrôle la régularité et dispose de quinze jours ouvrables pour accepter ou refuser.
Un principe gouverne l’ensemble : la liberté de consentement. L’article L 1237‑11 exige un accord « mutuel », tandis que l’article L 1237‑12 subordonne la validité à l’absence de vice du consentement, ce qui suppose un échange non contraint.
Absence de plafond légal de refus
Aucun texte ne limite le nombre de fois où l’employeur peut opposer un refus. La jurisprudence rappelle toutefois que ce droit n’est pas absolu :
Article L 1222‑1 : exécution de bonne foi du contrat. Un refus systématique, sans motif objectif, pourrait être requalifié en abus.
Article L 1132‑1 : interdiction des discriminations. Refuser au seul motif de l’état de santé, de la grossesse ou de l’activité syndicale exposerait l’entreprise à un contentieux.
Capacité de réaction du salarié
Face à des refus répétés, le salarié peut :
solliciter une médiation interne ou l’appui du CSE ;
saisir l’inspection du travail en cas de soupçon de discrimination ;
envisager, en dernier ressort, une prise d’acte de la rupture devant le conseil de prud’hommes, sur le fondement d’un manquement suffisamment grave.
Ainsi, si la loi ne fixe aucun quota, elle impose un cadre éthique qui, dans la pratique, limite la multiplication des « non ». Le dialogue, nourri d’arguments chiffrés et documentés, demeure la meilleure voie pour aboutir à un accord équilibré.
Le droit, et les limites, du refus patronal à une demande de rupture conventionnelle par le salarié
Aucun quota légal de refus pour une rupture conventionnelle
Le Code du travail ne prévoit aucun plafond de refus ; l’employeur peut donc repousser, à plusieurs reprises, la demande de rupture conventionnelle sans contrevenir, par principe, à la loi.
La chambre sociale de la Cour de cassation l’a rappelé le 23 mai 2013 (n° 12‑13.865) : cet instrument de départ négocié « ne peut être imposé par l’une ou l’autre des parties ». Le dialogue prime ; la liberté contractuelle demeure.
Refus licite ou abusif des demandes de rupture conventionnelle ?
L’absence de quota ne confère toutefois pas une liberté sans garde‑fou. En vertu de l’article L 1222‑1 du Code du travail, chaque partie exécute le contrat « de bonne foi ». Une série de refus motivée par un dessein illicite, volonté de nuire, représailles syndicales, discrimination fondée sur la santé ou la maternité, dégénérerait en abus.
L’arrêt du 19 mai 2021 (n° 19‑20.526) précise qu’un refus n’est fautif que si un motif prohibé ou une intention malveillante est avérée. La vigilance documentaire s’impose ; toute trace écrite peut, le cas échéant, renverser la présomption de légitimité dont bénéficie, de prime abord, l’employeur.
Impact relationnel et potentiel contentieux d'une demande refusée
Refuser une fois, expliquer. Refuser trois fois, fragiliser le climat social. Le salarié peut perdre toute motivation, voire invoquer un harcèlement moral fondé sur la dégradation de ses conditions de travail.
En bout de chaîne : prise d’acte de la rupture ou résiliation judiciaire, procédures longues et coûteuses, nuisibles à la réputation de l’entreprise.
La prudence conseille donc un examen circonstancié de chaque demande, sous peine d’allumer un contentieux là où un dialogue constructif aurait suffi.
Stratégies de négociation après un ou plusieurs refus de rupture conventionnelle auprès de son employeur
Un refus n’est pas un verrou définitif ; il invite à reformuler la proposition.
Argumentaire économique : comparer le coût d’un licenciement (indemnités, risque prud’homal) au forfait d’une rupture conventionnelle.
Calendrier de passation : garantir une transition fluide, assortie d’une clause de non‑concurrence aménagée ou supprimée.
Projection personnelle : création d’entreprise, mobilité géographique, reconversion via le compte personnel de formation ; démontrer que la demande répond à un projet solide rassure la direction.
Encadré pratique – pièces à rassembler avant de renégocier : Bilan de compétences ou attestation de formation CPF. Simulation de l’indemnité spécifique (minimum légal + éventuel complément). Tableur comparatif licenciement / rupture conventionnelle chiffrant les charges sociales et le délai de remplacement. Historique daté des échanges et comptes rendus d’entretien, pour attester de la bonne foi de la démarche.
En nourrissant la discussion de données tangibles et d’un projet crédible, le salarié augmente la probabilité d’obtenir, au second ou troisième entretien, l’assentiment recherché. L’employeur, de son côté, sécurise sa décision et préserve l’équilibre social de l’entreprise.
Recours du salarié face aux refus multiples d'un employeur à une ouverture sur la mise en place d'une rupture conventionnelle
Lorsqu’un employeur oppose plusieurs refus à une demande de rupture conventionnelle, le salarié dispose de leviers gradués avant d’envisager le contentieux. Les textes et la jurisprudence imposent d’interroger d’abord la voie du dialogue, puis, si la situation demeure bloquée, d’activer les procédures protectrices prévues par le Code du travail.
Voies amiables
Entretien avec le CSE ou le délégué syndicalL’article L2312‑59 autorise tout salarié à saisir la représentation du personnel pour être assisté dans la négociation. La présence d’un tiers élu rappelle à l’employeur l’exigence de bonne foi posée par l’article L1222‑1.
Médiation interne ou médiateur externe agrééInspirée des mécanismes prévus aux articles L2231‑1 et suivants, la médiation permet de confronter les intérêts économiques de l’entreprise et le projet professionnel du salarié. Elle ouvre souvent la voie à un accord équilibré, sans exposer la société à un contentieux coûteux.
Voies administratives et judiciaires
Saisine de l’inspection du travailSi les refus successifs laissent supposer un mobile discriminatoire, l’article L8112‑1 offre la possibilité d’alerter l’agent de contrôle. Celui‑ci peut diligenter une enquête, interroger l’employeur et, au besoin, transmettre le dossier au procureur de la République.
Action devant le conseil de prud’hommes
Deux fondements coexistent :
Prise d’acte de la rupture lorsque le salarié estime que les refus répétés constituent un manquement grave privant la poursuite du contrat de tout sens. La prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le juge l’estime fondée.
Résiliation judiciaire demandée pendant l’exécution du contrat, plus prudente car le salarié reste en poste jusqu’à la décision. Les délais varient de six à quatorze mois selon la section et la charge du rôle.
Dans les deux hypothèses, la partie demanderesse doit prouver soit l’abus, soit la discrimination. Une chronologie précise des refus, appuyée de courriels et de comptes rendus d’entretien, constitue l’ossature du dossier.
Jurisprudence clé à connaître en matière de refus d'une rupture conventionnelle
Décision | Enseignement déterminant | Portée sur les refus répétés |
Cass. soc., 19 mai 2021, n° 19‑20.526 | Le refus de rupture conventionnelle est licite, sauf abus avéré. | Sert de barème pour qualifier l’abus. |
Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12‑13.865 | La convention ne peut être imposée par l’une ou l’autre partie. | Confirme la liberté contractuelle de refuser. |
Cass. soc., 30 sept. 2013, n° 12‑20.951 | Présence d’un différend n’invalide pas la convention en soi. | Prouve que le dialogue reste possible même en cas de conflit. |
Ces arrêts, tous publiés, rappellent que le juge contrôle la motivation et la loyauté du refus, sans pour autant fixer de quota. Ils invitent le salarié à documenter minutieusement chaque étape, et l’employeur à conserver un principe de proportionnalité.
Une négociation éclairée, appuyée sur ces principes, limite le risque de contentieux et préserve l’image de l’entreprise.
Alternatives lorsque l’employeur refuse une demande de rupture conventionnelle
Lorsqu’un employeur réitère son refus et ferme, pour un temps, la porte de la rupture conventionnelle, plusieurs issues demeurent ouvertes. Chacune obéit à un régime juridique distinct ; il est donc essentiel de mesurer, avant tout engagement, les conséquences sociales et financières.
Démission : liberté immédiate, précautions nécessaires
La démission, régie par l’article L1237‑1 du Code du travail, appartient exclusivement au salarié. Elle n’exige ni motivation ni accord patronal. Toutefois, elle emporte deux effets majeurs :
Perte des allocations chômage (ARE), sauf démission légitime ou projet de reconversion validé par la commission Transitions Pro (art. L5422‑1).
Indemnité compensatrice de préavis uniquement si l’employeur dispense le salarié de l’exécuter (art. L1234‑5).
Ainsi, la démission doit rester l’ultime recours, réservée aux salariés disposant d’un projet solide ou d’une sécurité financière suffisante.
Licenciement : procédure encadrée, risque contentieux
Licenciement pour motif personnel (art. L1232‑1) ou motif économique (art. L1233‑2) implique le respect d’une procédure stricte : convocation à entretien, notification motivée et préavis.
L’employeur supporte le risque d’une contestation devant le conseil de prud’hommes ; à défaut de cause réelle et sérieuse, le licenciement ouvre droit à une indemnité réparatrice (art. L1235‑3‑1).
Pour le salarié, un licenciement non fautif permet l’accès aux ARE. Toutefois, provoquer volontairement un licenciement disciplinaire exposerait à une faute grave, privative d’indemnité et de préavis.
Dispositifs collectifs : RCC et mobilité volontaire sécurisée
Rupture conventionnelle collective (RCC) fondée sur l’article L1237‑19 suit un accord majoritaire validé par la DREETS. Le salarié se porte volontaire ; la sélection finale appartient à l’employeur. Les indemnités sont au moins équivalentes à celles d’un licenciement.
Mobilité volontaire sécurisée (art. L1222‑12) s’adresse aux entreprises de plus de 300 salariés. Le salarié, sans rompre son contrat, part tester un nouvel emploi ; il peut réintégrer l’entreprise ou démissionner à l’issue de la période. Cette option suspend le contrat, limite le risque et maintient la portabilité des droits sociaux.
Ces alternatives doivent être évaluées à la lumière de la situation économique de l’entreprise, de l’ancienneté du salarié et de sa projection de carrière. Une analyse chiffrée, accompagnée d’un conseil spécialisé, demeure la meilleure garantie de choix éclairé.
FAQ rupture conventionnelle : réponses clés
L’employeur doit‑il motiver son refus ?
Aucun texte n’impose une motivation écrite. Toutefois, l’article L1222‑1 exige une exécution loyale du contrat. Un refus oral et lapidaire peut, en cas de litige, nourrir la démonstration d’une absence de bonne foi.
Peut‑on redemander une rupture conventionnelle après un refus ?
Oui. La loi ne limite ni la fréquence ni le nombre de tentatives. Une nouvelle proposition actualisée, assortie d’arguments économiques ou organisationnels, reste pleinement recevable.
Refus multiple : à partir de quand parler d’abus ?
La Cour de cassation (Cass. soc., 19 mai 2021, n° 19‑20.526) considère l’abus établi lorsque le refus poursuit un objectif illicite : discrimination, représailles syndicales, volonté de nuire. Trois éléments probatoires sont alors scrutés : répétition des refus, absence de justification cohérente, contexte de pression.
Le salarié peut‑il provoquer un licenciement à la place ?
Obtenir délibérément un licenciement disciplinaire reste périlleux ; la faute grave prive d’indemnités. Une faute simple ouvre droit aux ARE mais expose à la critique d’un comportement déloyal. Préférer la négociation ou, à défaut, les voies amiables.
Combien de demandes successives sont raisonnables ?
La pratique montre qu’au‑delà de deux refus sans justification claire, une demande écrite motivée et accompagnée de pièces chiffrées devient indispensable. Elle prépare un éventuel contentieux en établissant la chronologie des démarches.
Le refus prive‑t‑il du droit au chômage ?
Non. Tant que le contrat perdure, l’ouverture des droits au chômage n’est pas d’actualité. En revanche, si le salarié démissionne pour contourner le refus, il devra se conformer aux conditions strictes d’éligibilité fixées par le règlement d’assurance chômage, sauf démission légitime ou reconversion sécurisée.
Ces éléments fournissent un cadre opérationnel au salarié confronté à un refus répété ; ils l’aident à peser chaque option à l’aune de ses intérêts financiers et stratégiques.
Combien de fois un employeur peut refuser la rupture conventionnelle ?
Le Code du travail ne fixe aucune limite légale : l’employeur peut‑il refuser ? Oui, et ce plusieurs fois. Cependant, si le nombre de refus révèle une volonté de contourner la procédure ou d’imposer une procédure de licenciement forcée, la situation pourra être analysée comme un abus du droit du travail. Le salarié documentera chaque refus de rupture conventionnelle afin d’étayer un éventuel recours.
Quels motifs pour refuser une rupture ?
L’employeur doit invoquer des motifs légitimes : reclassement impossible, projet de licenciement économique, désaccord sur l’indemnité, nécessité de poursuivre un dossier sensible. Un refus fondé sur une faute grave, un harcèlement moral ou l’absence de cause réelle et sérieuse serait contestable, car la rupture conventionnelle reste volontaire pour l’employeur et le salarié.
Comment contester un refus d’employeur ?
Pour contester le refus dune rupture conventionnelle, plusieurs recours possibles :
Saisine du conseil de prud’hommes dans un délai de douze mois.
Intervention de l’inspection du travail en cas de discrimination.
Assistance d’un avocat en rupture conventionnelle pour négocier une nouvelle demande de rupture conventionnelle ou vérifier le respect du délai de rétractation et de l’homologation de la convention.
Quelles sont les étapes de la rupture ?
La procédure de rupture suit quatre jalons :
Demande de rupture conventionnelle et entretien(s) préparatoire(s).
Signature de la convention (formulaire Cerfa) et remise d’un double.
Délai de rétractation de quinze jours calendaires.
Homologation de la convention par la DREETS – ou validation de l’accord collectif dans le cadre d’une RCC – puis notification de rétractation éventuelle.
Quels sont les droits du salarié ?
Le droit du salarié comprend :
Indemnité de rupture conventionnelle au mloins égale à l’indemnité légale de licenciement.
Maintien de la protection pour « salarié protégé » sous autorisation de l’inspecteur du travail.
Possibilité de refuser une rupture conventionnelle si les conditions financières ou la protection du salarié ne sont pas respectées.
Quelles sont les conséquences d’un refus ?
Les conséquences du refus varient :
Poursuite du contrat de travail et maintien des obligations salariales.
Ouverture éventuelle d’un licenciement (économique ou disciplinaire).
Choix de la démission ou risque d’abandon de poste, avec impact sur l’indemnité légale de licenciement et la situation du salarié vis‑à‑vis de l’assurance‑chômage.