Nullité des décisions de SAS contraires aux statuts
- Le Bouard Avocats
- il y a 3 jours
- 7 min de lecture
La nullité des décisions de SAS contraires aux statuts après la réforme de 2025
Depuis l’ordonnance du 12 mars 2025, la nullité des décisions collectives en SAS connaît un régime profondément renouvelé. Voici les points essentiels à retenir :
La violation des statuts n’est plus, en elle-même, une cause de nullité, sauf disposition expresse de la loi.
Les statuts peuvent prévoir des cas de nullité : les associés disposent d’une liberté contractuelle pour cibler certaines règles de gouvernance.
Les nullités demeurent possibles en cas de violation d’une règle impérative de droit des sociétés ou d’une cause de nullité de droit commun des contrats.
Les sanctions alternatives (responsabilité civile, inopposabilité, régularisation judiciaire) restent ouvertes en l’absence de clause statutaire de nullité.
Les décisions antérieures au 1er octobre 2025 continuent de relever de l’ancien régime, qui permettait l’annulation pour violation des statuts.
La rédaction des statuts devient un levier stratégique : les associés doivent décider si certaines violations statutaires doivent entraîner la nullité, afin de sécuriser la gouvernance et limiter le risque contentieux.

Un nouveau cadre : la violation des statuts n’est plus, en soi, une cause de nullité
Depuis l’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025, entrée en vigueur le 1er octobre 2025, le régime des nullités en droit des sociétés a été profondément modifié.
L’article 1844-10 du Code civil prévoit désormais que la nullité d’une décision sociale ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du droit des sociétés ou d’une cause de nullité des contrats en général.
Il précise en outre que, sauf disposition légale contraire, la violation des statuts ne constitue plus une cause de nullité.
Parallèlement, un dispositif propre aux sociétés par actions simplifiées a été introduit à l’article L. 227-20-1 du Code de commerce.
Celui-ci offre aux associés la faculté de stipuler dans les statuts qu’une décision sociale adoptée en méconnaissance des règles statutaires pourra être annulée. À défaut d’une telle clause, la sanction de la nullité disparaît pour les violations purement statutaires.
Ce nouveau régime résulte de la combinaison de l’article 1844-10 du Code civil, qui définit le principe général des nullités, et de l’article L. 227-20-1 du Code de commerce, propre aux SAS.
Portée pratique immédiate
Sans clause statutaire de nullité, une décision collective contraire aux statuts n’encourt plus l’annulation pour ce seul motif.
Les associés peuvent insérer dans les statuts une clause prévoyant expressément la nullité de certaines décisions prises en violation de règles déterminées.
La nullité demeure encourue en cas de violation d’une disposition impérative du droit des sociétés ou des causes de nullité de droit commun des contrats.
Retour sur l’état du droit antérieur et la rupture opérée
Le régime avant la réforme
Sous l’empire de l’ancien article L. 227-9, alinéa 4 du Code de commerce, les décisions collectives de SAS pouvaient être annulées si elles étaient prises en violation des statuts.
La jurisprudence avait admis que la sanction de nullité s’étendait aux clauses statutaires élargissant le domaine de compétence des associés et en fixant les conditions de validité des décisions.
Une décision contraire aux statuts pouvait donc être annulée, même si la loi n’avait pas prévu explicitement une telle sanction.
La réforme de 2025
L’ordonnance du 12 mars 2025 a abrogé ce dispositif. Le principe posé par le Code civil est clair : la violation des statuts n’est plus, par elle-même, une cause de nullité.
Toutefois, le législateur a introduit un mécanisme de flexibilité propre aux SAS, permettant aux associés de maintenir contractuellement une telle sanction par une clause expresse.
Les leviers contentieux subsistants hors clause de nullité statutaire
La nullité fondée sur le droit impératif des sociétés
L’annulation demeure possible si la décision viole une règle impérative, par exemple lorsqu’une compétence relève obligatoirement de l’assemblée des associés ou qu’une formalité légale est omise.
De même, le non-respect de dispositions fondamentales relatives à l’intérêt social ou à la protection des minoritaires peut justifier l’annulation.
Les causes de nullité de droit commun
L’action en nullité reste ouverte en cas de vices du consentement (erreur, dol, violence), d’objet ou de cause illicite, ou encore d’incapacité. Ces hypothèses, issues du droit commun des contrats, demeurent pleinement applicables aux décisions collectives.
Les sanctions alternatives
En dehors de l’annulation, d’autres mécanismes peuvent être mobilisés :
l’action en responsabilité contre les dirigeants ou associés fautifs ;
l’inopposabilité de la décision vis-à-vis de certains tiers ;
des mesures conservatoires ou injonctions judiciaires visant à régulariser la décision.
Recommandations statutaires : sécuriser la gouvernance de la SAS
L’intérêt d’une clause de nullité statutaire
Insérer une clause de nullité statutaire permet de préserver la force obligatoire des statuts. Dans une SAS à actionnariat dispersé ou dans des configurations de gouvernance complexe, elle constitue une garantie pour les associés que leurs droits statutaires seront respectés.
Toutefois, une telle clause doit être soigneusement encadrée :
elle doit viser uniquement les règles statutaires essentielles, comme les modalités de convocation, les conditions de quorum ou les majorités qualifiées ;
il peut être opportun de subordonner la nullité à l’influence effective de l’irrégularité sur le résultat du vote, afin d’éviter un contentieux excessif ;
la clause doit être rédigée en cohérence avec les dispositions nouvelles des articles 1844-10 et suivants du Code civil, afin de respecter les délais et conditions d’action en nullité.
Alternatives contractuelles
Certaines SAS préféreront recourir à des mécanismes alternatifs, tels que :
la stipulation d’une inefficacité automatique de certaines décisions irrégulières, sans qu’il soit nécessaire de saisir le juge ;
la mise en place de procédures de correction (par exemple, revoter sous un certain délai en cas de vice formel) ;
l’institution d’un mode alternatif de règlement des différends (arbitrage ou médiation) pour accélérer la résolution des litiges.
L’articulation entre statuts et pacte d’associés après la réforme
La disparition de la nullité automatique des décisions contraires aux statuts renforce la nécessité de coordonner statuts et pacte d’associés. Les règles essentielles de gouvernance devraient être intégrées aux statuts, afin de bénéficier de l’opposabilité erga omnes, tandis que les stipulations plus fines (préemption, sorties organisées, clauses de liquidité) peuvent rester cantonnées au pacte, avec des sanctions contractuelles adaptées.
Contentieux de transition : quels réflexes adopter après le 1er octobre 2025 ?
Pour les décisions adoptées après l’entrée en vigueur de la réforme, une distinction s’impose :
en l’absence de clause de nullité statutaire, la violation des statuts ne suffit plus pour obtenir l’annulation ; le plaideur devra rechercher une violation d’une règle impérative ou une cause de nullité contractuelle ;
si les statuts contiennent une clause de nullité, le juge devra vérifier la conformité de la clause aux nouvelles dispositions et apprécier le champ d’application qu’elle définit.
Pour les décisions prises avant le 1er octobre 2025, le régime antérieur demeure applicable. Les praticiens devront donc articuler leur stratégie en fonction de la date de la décision et des textes alors en vigueur.
Points de vigilance pour les praticiens
La persistance des nullités pour violation des règles impératives
Il convient de rappeler que la réforme ne modifie pas le régime des nullités fondées sur des règles impératives. Ainsi, certaines dispositions relatives à la mixité des organes sociaux ou aux compétences réservées aux associés demeurent protégées par la sanction de la nullité.
L’articulation statuts/pactes d’associés
La disparition de la nullité automatique en cas de violation des statuts incitera à redéfinir la hiérarchie entre statuts et pacte d’associés. Les règles essentielles de gouvernance doivent être intégrées aux statuts, opposables à tous, tandis que les stipulations plus fines peuvent rester cantonnées au pacte, assorties de sanctions contractuelles appropriées.
Conseils pratiques pour les praticiens
Vérifier systématiquement les statuts existants avant d’engager une action en nullité.
Proposer aux clients d’introduire des clauses de nullité ciblées lors des opérations de restructuration ou d’entrée d’investisseurs.
Anticiper le contentieux : orienter les moyens sur la violation de dispositions impératives ou sur les vices de droit commun.
En synthèse : une liberté statutaire encadrée
La réforme du 12 mars 2025 marque un tournant. La nullité des décisions de SAS contraires aux statuts n’est plus automatique. Elle suppose désormais, soit une clause statutaire expresse, soit une violation d’une règle impérative ou une cause de nullité de droit commun.
Pour les avocats en droit des sociétés ou droit des affaires, l’enjeu est double :
en conseil, il s’agit d’anticiper et de sécuriser la gouvernance en rédigeant des statuts adaptés, éventuellement assortis de clauses de nullité ciblées ;
en contentieux, il convient de redéfinir la stratégie en fondant l’action sur des dispositions impératives ou contractuelles, et non plus sur la simple méconnaissance des statuts.
FAQ – Nullité des décisions de SAS contraires aux statuts
La violation des statuts d’une SAS entraîne-t-elle toujours la nullité d’une décision ?
Non. Depuis l’ordonnance du 12 mars 2025, la violation des statuts n’est plus, en elle-même, une cause de nullité. L’article 1844-10 du Code civil précise que seules la violation d’une disposition impérative du droit des sociétés ou les causes de nullité de droit commun (erreur, dol, objet illicite, incapacité, etc.) peuvent justifier l’annulation d’une décision sociale.
Les statuts peuvent-ils prévoir eux-mêmes des cas de nullité ?
Oui. L’article L. 227-20-1 du Code de commerce, applicable depuis le 1er octobre 2025, permet aux statuts de stipuler que certaines décisions adoptées en violation de règles statutaires déterminées encourent la nullité. Les associés disposent ainsi d’un levier contractuel pour protéger les règles essentielles de gouvernance.
Quelles sont les nullités qui subsistent malgré la réforme ?
La nullité reste encourue dans les cas suivants :
violation d’une règle impérative prévue par le Code de commerce ou le Code civil (par exemple, les décisions qui relèvent obligatoirement de la compétence des associés) ;
causes de nullité du droit commun des contrats (vice du consentement, illicéité de l’objet, incapacité d’une partie, etc.).
Quelles sanctions alternatives à la nullité peuvent être envisagées ?
En l’absence de clause statutaire de nullité, plusieurs sanctions demeurent mobilisables :
action en responsabilité civile contre les dirigeants ou associés fautifs,
inopposabilité de la décision à l’égard de certains tiers,
injonction judiciaire ou désignation d’un mandataire pour régulariser la décision.
Que se passe-t-il pour les décisions prises avant le 1er octobre 2025 ?
Les décisions adoptées avant l’entrée en vigueur de la réforme demeurent soumises à l’ancien régime. Elles peuvent donc être annulées sur le fondement de l’ancien article L. 227-9, alinéa 4 du Code de commerce, qui autorisait l’annulation en cas de violation des statuts.
Quels conseils pratiques donner aux associés de SAS ?
Les praticiens recommandent :
d’insérer, lorsque cela est nécessaire, une clause de nullité statutaire visant les règles essentielles (convocation, quorum, majorité, etc.) ;
de prévoir des mécanismes alternatifs (clauses d’inefficacité automatique, procédures de revote, arbitrage statutaire) ;
d’aligner les statuts avec les pactes d’associés afin d’éviter les conflits d’interprétation et de renforcer la sécurité juridique.