Convention réglementée non autorisée : la responsabilité du dirigeant renforcée
- Le Bouard Avocats

- 27 oct.
- 8 min de lecture
Convention réglementée non autorisée : que risque le dirigeant d’entreprise ?
Essentiel à retenir :
Le dirigeant qui conclut une convention réglementée sans autorisation préalable commet une faute de gestion, même sans dissimulation ni fraude.
Le non-respect de la procédure prévue par le code de commerce engage sa responsabilité civile à l’égard de la société.
La société n’a plus à démontrer l’intention frauduleuse du dirigeant pour agir en responsabilité.
Le conseil de surveillance doit être informé et statuer avant toute signature de la convention concernée.
L’arrêt du 17 septembre 2025 consacre une obligation de transparence et de rigueur renforcée dans la gouvernance des sociétés anonymes.
Le régime des conventions réglementées occupe une place essentielle dans le droit des sociétés. Il vise à prévenir les conflits d’intérêts susceptibles de naître lorsque les dirigeants contractent avec leur propre société. A noter, il est fortement conseillé de se faire accompagner d'un avocat en droit des affaires en cas de mise en cause de la responsabilité d'un dirigeant d'entreprise.

Une récente décision de la Cour de cassation du 17 septembre 2025 illustre avec force la rigueur de cette réglementation : le simple manquement à la procédure d’autorisation suffit à engager la responsabilité du dirigeant, même en l’absence de dissimulation ou de fraude.
Cette solution, qui s’inscrit dans le prolongement du principe de transparence des affaires, impose une vigilance accrue à tous les organes de gouvernance. Elle rappelle que le respect du formalisme prévu par le code de commerce ne relève pas d’une simple exigence administrative, mais bien d’une obligation juridique dont la méconnaissance constitue une faute de gestion.
Le cadre légal des conventions réglementées
Une procédure protectrice de l’intérêt social
Les articles L. 225-86 et suivants du code de commerce prévoient que toute convention conclue entre une société anonyme et l’un de ses dirigeants – ou une personne interposée – doit être autorisée au préalable par le conseil de surveillance.
Cette exigence vise à protéger l’intérêt social en évitant que le dirigeant, animé par un intérêt personnel, ne fasse prévaloir son propre avantage sur celui de la société.
La procédure est stricte : le dirigeant intéressé doit informer le conseil de surveillance, qui statue sur l’autorisation après examen des conditions de la convention. Le dirigeant concerné ne peut pas participer au vote.
La convention autorisée est ensuite communiquée au commissaire aux comptes, puis soumise à l’assemblée générale des actionnaires lors de sa plus proche réunion.
Trois catégories de conventions
On distingue traditionnellement trois types de conventions :
Les conventions libres, portant sur des opérations courantes conclues à des conditions normales. Celles-ci ne nécessitent pas d’autorisation préalable.
Les conventions réglementées, soumises à autorisation en raison de l’intérêt personnel du dirigeant dans l’opération.
Les conventions interdites, qui concernent notamment les emprunts ou cautions consentis par la société à ses dirigeants.
C’est dans la seconde catégorie, celle des conventions réglementées, que s’inscrit l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 septembre 2025.
Le rôle de la responsabilité du dirigeant
Lorsqu’une convention est conclue sans autorisation, deux voies de recours peuvent être ouvertes : l’action en nullité de la convention et l’action en responsabilité contre le dirigeant.
L’article L. 225-90 du code de commerce prévoit que la convention non autorisée peut être annulée si elle a causé un préjudice à la société.
Par ailleurs, l’article L. 225-251 établit la responsabilité individuelle ou solidaire des dirigeants en cas d’infraction aux dispositions légales applicables ou de faute de gestion.
Jusqu’à récemment, la jurisprudence considérait souvent que la responsabilité du dirigeant ne pouvait être engagée qu’en présence d’une dissimulation ou d’une intention frauduleuse. L’arrêt du 17 septembre 2025 vient modifier sensiblement cette approche.
L’arrêt du 17 septembre 2025 : un tournant jurisprudentiel
Les faits à l’origine du litige
Le président du directoire d’une société anonyme, également salarié, avait mis en place un compte épargne-temps au profit de l’ensemble des salariés, dont lui-même.
Cet accord collectif n’avait toutefois pas été soumis à l’autorisation préalable du conseil de surveillance. Lorsqu’il prit sa retraite, la société lui versa une somme correspondant à ses droits acquis au titre de ce dispositif.
Estimant que la convention aurait dû être soumise à autorisation, la société engagea une action en restitution et en responsabilité.
La cour d’appel rejeta la demande, considérant que l’absence d’autorisation ne suffisait pas, à elle seule, à caractériser une faute. Elle exigea la preuve d’une dissimulation ou d’un comportement frauduleux du dirigeant.
La position de la Cour de cassation
La Haute juridiction a censuré cette analyse. Elle a jugé que le non-respect de la procédure des conventions réglementées constitue en soi une infraction aux dispositions législatives applicables et une faute de gestion. Autrement dit, il n’est plus nécessaire de démontrer une intention frauduleuse ou une volonté de dissimulation.
La Cour de cassation érige ainsi le formalisme en véritable obligation de gouvernance. Le simple défaut d’autorisation préalable suffit à engager la responsabilité du dirigeant à l’égard de la société.
La portée de la décision
Cette solution consacre une responsabilité objective du dirigeant. La faute naît de la seule méconnaissance de la procédure, indépendamment de toute intention. La société n’a plus à rapporter la preuve d’un comportement dolosif : la violation de la loi suffit.
Cette jurisprudence renforce considérablement la sécurité juridique de la société, qui dispose désormais d’un fondement clair pour agir en responsabilité contre le dirigeant ayant omis de solliciter l’autorisation requise.
Elle réaffirme également la fonction disciplinaire de la gouvernance interne : chaque décision engageant le patrimoine social doit être contrôlée avant sa mise en œuvre.
Une décision emblématique du renforcement des règles de gouvernance
Une responsabilité accrue pour les dirigeants
L’arrêt du 17 septembre 2025 s’inscrit dans un mouvement général d’exigence de transparence et de rigueur dans la gestion des sociétés. Le dirigeant ne peut plus invoquer sa bonne foi pour échapper à sa responsabilité.
Dès lors qu’une convention réglementée est conclue sans autorisation, il commet une faute de gestion susceptible d’engager sa responsabilité personnelle, indépendamment du préjudice subi par la société.
Cette approche met fin à une tolérance parfois observée dans la pratique. Le dirigeant ne peut plus considérer la procédure d’autorisation comme une simple formalité administrative : elle est désormais la pierre angulaire de la conformité interne.
Un rôle renforcé du conseil de surveillance
Le conseil de surveillance retrouve ici toute sa fonction de contrôle. C’est à lui qu’il appartient d’apprécier la conformité et l’intérêt social de la convention envisagée. La jurisprudence lui confère, en creux, un pouvoir de prévention du risque juridique.
La décision invite donc les sociétés à renforcer leurs process internes : calendrier de réunions du conseil, transmission anticipée des projets de convention, formalisation des résolutions, et tenue d’un registre des autorisations données.
Une vigilance accrue des commissaires aux comptes et des actionnaires
Le commissaire aux comptes, informé de toute convention autorisée, doit en faire mention dans son rapport spécial présenté à l’assemblée générale. Cet organe de contrôle externe voit ainsi son rôle conforté.
Les actionnaires, de leur côté, disposent désormais d’une information plus complète sur les conventions conclues et peuvent, le cas échéant, exercer leur droit d’alerte ou leur action en responsabilité.
Conséquences pratiques et recommandations
Identifier les conventions concernées
Les sociétés doivent procéder à une cartographie rigoureuse de toutes les conventions susceptibles d’impliquer un intérêt personnel d’un dirigeant. Sont notamment concernées :
les contrats de prestation ou de fourniture de services conclus avec un membre du directoire ;
les opérations de crédit, d’avances ou de garantie consenties à un dirigeant ou à une société liée ;
les avantages particuliers consentis dans un cadre collectif, lorsque le dirigeant en bénéficie personnellement.
Formaliser la procédure d’autorisation
Pour chaque convention identifiée, il convient de :
notifier au conseil de surveillance la nature et l’objet de la convention ;
motiver l’intérêt pour la société et préciser les conditions financières ;
exclure le dirigeant intéressé du vote ;
transmettre la convention au commissaire aux comptes dans le délai légal ;
assurer le suivi de l’approbation par l’assemblée générale.
La documentation de cette procédure constitue la meilleure protection contre toute contestation ultérieure.
Former les dirigeants à la culture de conformité
Une formation régulière des dirigeants à la réglementation des conventions réglementées est essentielle. Elle permet d’éviter les erreurs d’appréciation et de développer une culture de transparence et de traçabilité. La mise en place d’un guide interne ou d’une charte de gouvernance peut également contribuer à sécuriser les pratiques.
Réagir en cas d’irrégularité constatée
Lorsqu’une convention a été conclue sans autorisation, il est recommandé de saisir rapidement le conseil de surveillance pour examiner les voies de régularisation possibles.
Une ratification a posteriori ne supprime pas nécessairement la faute, mais elle peut limiter ses conséquences.
En tout état de cause, la transparence et la communication immédiate avec les organes compétents constituent la meilleure défense.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 septembre 2025 marque une évolution importante dans la compréhension de la responsabilité des dirigeants sociaux.
En affirmant que le non-respect de la procédure d’autorisation d’une convention réglementée constitue en soi une faute de gestion, la Haute juridiction consacre une exigence de rigueur absolue dans la gouvernance des sociétés.
Cette décision doit inciter les dirigeants à une vigilance accrue et à une parfaite maîtrise du cadre légal. Elle rappelle que la gouvernance d’entreprise ne se réduit pas à un ensemble de formalités, mais qu’elle participe pleinement à la protection de l’intérêt social et à la crédibilité de la société dans ses relations économiques.
En définitive, la convention réglementée non autorisée devient un terrain de vigilance prioritaire : plus qu’une question de conformité, elle engage désormais la responsabilité personnelle du dirigeant, et avec elle, la solidité de la gouvernance tout entière.
Foire aux questions sur les conventions réglementées non autorisées
Qu’est-ce qu’une convention réglementée au sens du code de commerce ?
Une convention réglementée est un accord conclu entre une société et l’un de ses dirigeants, ou une personne qui lui est liée, lorsque ce dirigeant y a un intérêt direct ou indirect.
Elle peut prendre la forme d’un contrat de prestation de services, d’un bail, d’un prêt, ou même d’un accord collectif dont le dirigeant bénéficie personnellement.
Le code de commerce impose une autorisation préalable du conseil de surveillance ou du conseil d’administration avant la signature de cette convention, afin d’éviter tout conflit d’intérêts et de garantir que l’opération sert l’intérêt social de l’entreprise.
Pourquoi la convention réglementée non autorisée engage-t-elle la responsabilité du dirigeant ?
Lorsqu’une convention est conclue sans l’autorisation requise, le dirigeant enfreint directement les dispositions légales applicables. Ce manquement est considéré comme une faute de gestion, engageant sa responsabilité civile envers la société.
Depuis la décision de la Cour de cassation du 17 septembre 2025, il n’est plus nécessaire de prouver que le dirigeant a agi de manière frauduleuse ou dissimulée : la simple absence d’autorisation préalable suffit.
Cette évolution traduit une volonté de la jurisprudence de renforcer la discipline et la transparence dans la gouvernance d’entreprise.
Quelles sont les conséquences juridiques d’une convention réglementée non autorisée ?
Deux types de conséquences peuvent survenir :
Sur la convention elle-même : elle peut être annulée si elle a causé un préjudice à la société.
Sur le dirigeant : il peut être condamné à réparer le dommage subi par la société, voire à restituer les sommes perçues au titre de la convention irrégulière.En outre, l’absence d’autorisation peut avoir des effets réputationnels importants, notamment en cas de contrôle des commissaires aux comptes ou de contentieux avec les actionnaires.
Quelles précautions les dirigeants doivent-ils prendre pour éviter toute irrégularité ?
Le dirigeant doit systématiquement informer le conseil de surveillance ou d’administration de toute convention dans laquelle il détient un intérêt, même indirect.Il doit ensuite :
faire inscrire la question à l’ordre du jour ;
se retirer des délibérations ;
faire formaliser la décision dans un procès-verbal ;
transmettre la convention autorisée au commissaire aux comptes ;
veiller à sa présentation lors de la prochaine assemblée générale.Une traçabilité complète de ces étapes est essentielle. Les dirigeants ont également intérêt à se former régulièrement à la conformité interne et à maintenir une documentation à jour de toutes les conventions potentiellement concernées.
Cette jurisprudence s’applique-t-elle à toutes les formes de sociétés ?
Le régime des conventions réglementées tel que prévu par les articles L. 225-86 et suivants du code de commerce concerne directement les sociétés anonymes.Cependant, des dispositifs similaires existent pour d’autres formes sociales :
dans les SARL, les conventions conclues entre la société et le gérant doivent être approuvées par les associés ;
dans les SAS, les statuts peuvent aménager librement le régime, mais les juges veillent à ce que les principes de loyauté et d’intérêt social soient respectés ;
dans les SA à conseil d’administration, la procédure est comparable à celle des sociétés à directoire et conseil de surveillance.En pratique, la philosophie demeure la même : plus la société est structurée, plus la transparence et le contrôle des conventions deviennent impératifs.


