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Pacte d’associés, faute grave et clause « bad leaver »

  • Photo du rédacteur: Le Bouard Avocats
    Le Bouard Avocats
  • il y a 10 heures
  • 4 min de lecture

L’essentiel de l’arrêt « bad leaver » du 10 décembre 2024


  • Violation du pacte = faute grave : l’autovers­ement de 10 400 € sans l’aval du comité stratégique a suffi pour priver le dirigeant de son indemnité de révocation.

  • Clause « bad leaver » pleinement appliquée : cession forcée des titres à leur prix historique, soit quatre fois moins que la valorisation attendue.

  • Révocation jugée vexatoire : 10 000 € alloués au titre du préjudice moral, rappel que la forme compte autant que le fond.

  • Enseignements contractuels : définir clairement la faute grave, verrouiller la procédure d’évaluation et formaliser un protocole de sortie pour éviter tout contentieux d’image.





Contexte : un dirigeant cumulant contrat de travail et mandat social


Le 10 décembre 2024, la cour d’appel de Versailles a validé la double mise à l’écart d’un directeur général de SAS : licenciement pour faute grave et activation d’une clause « bad leaver ».


Fait générateur : versement unilatéral par le dirigeant d’une indemnité de congés non pris (10 400 €) sans l’aval du comité stratégique exigé par le pacte d’associés conclu en 2015.

Ce pacte prévoyait trois garde-fous :


  • approbation préalable de toute rémunération « significative » (> 60 k €/an) ;

  • indemnité de révocation de 100 000 € exclue en cas de faute grave ;

  • cession forcée des actions à leur prix historique en situation de « bad leaver ».


Le dirigeant détenant 5 % du capital s’est donc vu retirer son indemnité et contraint de céder ses 13 759 actions pour ≈ 200 k €, au lieu des ≈ 800 k € espérés.

Fondements juridiques mobilisés


Révocabilité ad nutum et contrôle judiciaire


Les statuts d’une SAS peuvent prévoir la révocation « à tout moment » (article L. 227-5 C. com.). Celle-ci demeure cependant susceptible d’indemnisation lorsque les circonstances entourant la décision sont vexatoires (Com., 11 oct. 2023, n° 22-12 361).


Force obligatoire du pacte d’associés


L’article 1103 C. civ. impose aux signataires le respect des clauses librement consenties ; l’inexécution fautive d’un pacte peut donc constituer une faute grave au sens de la jurisprudence sociale si les parties l’ont expressément visé... c’était le cas ici.


Validité des clauses « bad leaver »


La liberté contractuelle autorise la fixation d’un prix de cession forcée (« prix plancher » ou « prix historique ») tant qu’un mécanisme objectif est inséré et qu’il n’existe pas de lésion manifeste (application constante de l’article 1843-4 C. civ.).



Motivation de la cour d’appel


Faute grave caractérisée


  • Violation par le dirigeant de l’article 3-4-2 du pacte : absence d’autorisation du comité stratégique pour la rémunération supplémentaire.

  • Caractère volontaire de l’acte : indemnité inscrite sur la paie par sa seule signature.

  • Impossibilité de maintien : la confiance des associés est rompue, satisfaisant le critère social de la faute grave.


Activation sans réserve de la clause bad leaver


Le dirigeant plaidait une valorisation à 50 € par action (augmentation de capital 2018).La cour retient le prix contractuel : moyenne pondérée du coût d’acquisition, faute pour l’intéressé d’avoir déclenché dans le délai de 30 jours l’expertise contradictoire prévue.


Révocation vexatoire et dommages-intérêts


Bien que le motif ne doive pas être justifié, la diffusion d’un courriel collectif insinuant un comportement douteux lors de la restitution du matériel professionnel est jugée attentatoire à la réputation.


Indemnité allouée : 10 000 € pour préjudice moral.

Tableau récapitulatif des risques et parades contractuelles

Axe de litige

Risque encouru

Parades à insérer dans le pacte

Qualification de la faute grave

Requalification en faute simple → indemnité due

Lister les manquements qualifiants ; renvoi explicite à la définition sociale

Prix de cession « bad leaver »

Demande de nullité pour prix dérisoire

Méthode hybridée (fonds propres + multiple sectoriel) et expertise automatique

Révocation abusive

Dommages-intérêts pour vexation

Procédure contradictoire, délai raisonnable, communication neutre

Double sanction travail/mandat

Contestation de la « double peine »

Clause d’articulation précisant l’indépendance des régimes

Incidences pratiques pour les acteurs de la gouvernance


Pour les investisseurs et majoritaires


  • Discipline contractuelle : un pacte clair, prévoyant des sanctions automatiques, demeure l’outil le plus efficace pour protéger la valorisation.

  • Communication interne : sécuriser la forme de la révocation afin d’éviter l’écueil des dommages-intérêts pour vexation.


Pour les dirigeants-associés


  • Traçabilité : conserver courriels et procès-verbaux démontrant la saisine régulière des comités requis.

  • Négociation : introduire un prix plancher indexé ou un droit d’expertise ex ante, afin d’éviter la cession à perte.

  • Séparation des fonctions : prévoir la suspension automatique du contrat de travail pendant la procédure, limitant ainsi le cumul des griefs.


Conseils de rédaction et de mise en œuvre


  • Uniformiser la terminologie : utiliser la même définition de la faute grave dans les statuts, le pacte et, le cas échéant, le contrat de travail.

  • Encadrer l’expertise de valorisation : délai, désignation conjointe, partage des honoraires, force obligatoire du rapport.

  • Formaliser le protocole de sortie : calendrier de restitution du matériel, interdiction de communications dépréciatives, certificat de conformité pour solder les comptes.

  • Insérer une clause de médiation avant contentieux : limite les procédures judiciaires longues et coûteuses.


Synthèse opérationnelle


  • Violation du pacte = faute grave : une rémunération non approuvée suffit à déclencher la sanction « bad leaver ».

  • Prix contractuel intouchable : en l’absence d’activation de l’expertise, la décote s’impose.

  • Forme vigilante : la moindre maladresse communicationnelle peut coûter des dommages-intérêts.


Pour les praticiens du capital-investissement, l’arrêt conforte la valeur coercitive des clauses « bad leaver ». Pour les dirigeants, il rappelle qu’une simple négligence sur la gouvernance interne peut anéantir des années de plus-value. La rigueur ex ante devient donc la meilleure assurance contre l’érosion brutale d’un patrimoine social. Pensez à faire vérifier vos statuts de sociétés par un avocat en droit des sociétés à Versailles.

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