top of page

Entreprise en cessation des paiements : une notion clé du droit des affaires

  • Photo du rédacteur: Le Bouard Avocats
    Le Bouard Avocats
  • 13 oct.
  • 10 min de lecture

Comprendre la notion d’entreprise en cessation des paiements


L’entreprise en cessation des paiements est un pilier du droit des procédures collectives.Elle marque le point de bascule entre les difficultés de trésorerie et l’insolvabilité juridique.


L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 22 juillet 2025 illustre avec rigueur les critères retenus pour constater cet état.


Voici les points clés à retenir :


  • La cessation des paiements est définie par l’article L. 631-1 du code de commerce : impossibilité de régler le passif exigible avec l’actif disponible.

  • Les créances anciennes ou incertaines ne peuvent être intégrées à l’actif disponible.

  • Le chiffre d’affaires n’est pas un indicateur de solvabilité : seule la trésorerie immédiate compte.

  • Le non-paiement des dettes sociales, notamment les parts salariales, constitue un signal critique.

  • Le redressement manifestement impossible justifie l’ouverture d’une liquidation judiciaire (art. L. 640-1 du code de commerce).





entreprise en cessation des paiements




La rigueur du droit des procédures collectives face à la réalité économique


La notion d’entreprise en cessation des paiements occupe une place centrale en droit des affaires.


Définie à l’article L. 631-1 du code de commerce, elle correspond à la situation dans laquelle une entreprise se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.


Cette définition, apparemment simple, suscite pourtant des interprétations nuancées, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui peut ou non être qualifié d’actif disponible.


Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 22 juillet 2025 (n° 24/06241) apporte une illustration particulièrement éclairante de cette exigence.


La juridiction y rappelle qu’une entreprise ne peut pas s’opposer à l’ouverture d’une liquidation judiciaire en invoquant des créances clients anciennes ou difficilement recouvrables pour contester son état de cessation des paiements.


I. L’entreprise en cessation des paiements : une notion juridique à la frontière du financier


1. Le principe posé par le code de commerce


Selon l’article L. 631-1 précité, la cessation des paiements se caractérise par une impossibilité objective de régler les dettes exigibles avec l’actif immédiatement mobilisable.


Il ne s’agit pas d’un simple déséquilibre comptable, mais d’une absence de liquidités disponibles permettant de couvrir les échéances à court terme.


L’actif disponible comprend :


  • la trésorerie ;

  • les avoirs immédiatement réalisables (comptes bancaires, placements liquides) ;

  • et les créances à très court terme, dont le recouvrement est certain.


À l’inverse, les créances anciennes, incertaines ou litigieuses ne peuvent être retenues dans le calcul de cet actif.


2. Une appréciation faite à la date de la décision


La jurisprudence constante impose que la situation de l’entreprise soit appréciée au jour où le juge statue et non à une date antérieure.


Autrement dit, la Cour d’appel doit vérifier si, à la date de son arrêt, la société est effectivement en mesure de faire face à son passif exigible.


Cette règle, de nature à protéger le réalisme économique de la décision, a été réaffirmée par la Cour de Versailles dans son arrêt du 22 juillet 2025.


II. L’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 22 juillet 2025 : illustration concrète d’une entreprise en cessation des paiements


1. Les faits et la position de l’entreprise


Une société de sécurité, ASASP Prévention & Security, avait été mise en liquidation judiciaire sur requête de l’Urssaf Île-de-France.


Contestant cette décision, elle soutenait qu’elle n’était pas en état de cessation des paiements, arguant d’un chiffre d’affaires annuel de 382 000 euros et d’un portefeuille de créances clients d’environ 259 000 euros.


Elle affirmait que ces créances, une fois encaissées, lui permettraient d’apurer ses dettes sociales, notamment une dette Urssaf de 103 000 euros (dont 25 000 euros au titre des parts salariales).


2. L’analyse de la Cour : l’exclusion des créances anciennes de l’actif disponible


La Cour d’appel de Versailles confirme le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre, considérant que la société était bien en état de cessation des paiements.


Son raisonnement s’articule autour d’un principe fondamental : toutes les créances inscrites à l’actif ne constituent pas nécessairement un actif disponible au sens du code de commerce.


La juridiction rappelle que :


  • certaines créances, d’un montant de 41 642 euros, figuraient déjà au bilan de l’exercice clos deux ans auparavant et ne pouvaient donc être considérées comme immédiatement réalisables ;

  • une créance principale de 156 000 euros était détenue sur une société elle-même en liquidation judiciaire (Go Sport), rendant son recouvrement hautement incertain ;

  • pour les autres créances, aucun élément n’attestait qu’elles étaient réalisables à court terme.


Ainsi, même si ces créances étaient comptabilisées dans le chiffre d’affaires, elles n’avaient aucune valeur liquidative immédiate.


La Cour en déduit que l’entreprise ne disposait pas d’un actif suffisant pour faire face à son passif exigible, notamment à sa dette sociale.


III. Le passif exigible : une composante indissociable de la cessation des paiements


L’état de cessation des paiements suppose non seulement un actif insuffisant, mais également un passif exigible clairement établi.


Dans cette affaire, le passif social 103 000 euros dont 25 000 euros de parts salariales constituait une dette certaine, liquide et exigible.


Or, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, les parts salariales des cotisations sociales ne peuvent être différées et doivent être réglées sans délai.


L’entreprise, en l’espèce, ne démontrait pas disposer de liquidités suffisantes ni d’un échéancier accepté par l’Urssaf.Ce défaut de preuve renforce le constat de cessation des paiements.


De plus, la société employait 32 salariés, ce qui impliquait une masse salariale importante et des charges sociales récurrentes.


L’absence de production de relevés bancaires a achevé de convaincre la Cour de l’incapacité réelle de la société à assumer ses obligations immédiates.


IV. L’impossibilité manifeste de redressement : le second critère de la liquidation judiciaire


L’article L. 640-1 du code de commerce exige, pour l’ouverture d’une liquidation judiciaire, que le redressement de l’entreprise soit manifestement impossible.


Ce critère distingue la liquidation du redressement judiciaire prévu à l’article L. 631-1.


En l’espèce, la Cour relève que la société connaissait une dégradation continue de ses résultats :


  • bénéfice de 30 957 euros en 2021,

  • 4 222 euros en 2022,

  • perte de 46 251 euros en 2023.


Cette chute constante, combinée à la perte d’un client majeur et à l’absence de perspective contractuelle crédible, rendait tout redressement illusoire.Le jugement de première instance est donc confirmé dans toutes ses dispositions, la liquidation étant jugée inévitable.


V. Les enseignements pratiques de l’arrêt : une vigilance accrue pour les dirigeants d’entreprise


L’arrêt de la Cour d’appel de Versailles met en lumière plusieurs enseignements essentiels pour les praticiens du droit des affaires et les dirigeants d’entreprise :


1. La distinction entre chiffre d’affaires et liquidités disponibles


Un chiffre d’affaires élevé ne suffit pas à exclure l’état de cessation des paiements.Seule compte la trésorerie immédiatement mobilisable pour régler les dettes exigibles.


2. L’importance de la nature des créances clients


Les créances anciennes, en contentieux ou détenues sur des entreprises en procédure collective, ne peuvent pas être assimilées à de l’actif disponible.Elles relèvent de l’actif réalisable, non de l’actif immédiat.


3. Le rôle déterminant des obligations sociales


Le non-paiement des cotisations Urssaf, notamment des parts salariales, est un signal d’alerte fort pour les tribunaux.Il traduit une incapacité structurelle à assumer les obligations légales et sociales.


4. L’exigence probatoire pesant sur l’entreprise


En cas de contestation, la société doit produire des pièces précises : relevés bancaires, échéanciers acceptés, justificatifs de recouvrement de créances.À défaut, les juges peuvent considérer l’état de cessation des paiements comme établi.


La cessation des paiements, une appréciation économique plus que comptable


L’affaire ASASP Prévention & Security rappelle que l’analyse de l’entreprise en cessation des paiements dépasse la lecture du bilan comptable.


Elle relève d’une approche économique et pragmatique : seules les ressources réellement disponibles à court terme peuvent être prises en compte pour apprécier la solvabilité immédiate.


Le droit des entreprises en difficulté impose ainsi une discipline de transparence et de rigueur.Une gestion préventive audits de trésorerie, négociations d’échéanciers, révision des créances clients demeure la meilleure stratégie pour éviter l’ouverture d’une procédure collective.


La cessation des paiements n’est pas seulement une situation juridique : c’est le miroir d’une réalité financière que les juges scrutent avec précision et sans indulgence.


FAQ – Entreprise en cessation des paiements


1. Qu’est-ce qu’une entreprise en cessation des paiements ?


Une entreprise en cessation des paiements est une société qui ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible.


Autrement dit, elle n’a plus de liquidités suffisantes pour honorer ses dettes immédiates.


Ce critère repose sur une réalité économique, non sur des données comptables abstraites.L’article L. 631-1 du code de commerce fixe ce principe : il s’agit d’une impossibilité matérielle, et non d’un simple déséquilibre momentané.


2. Quelle différence entre difficultés financières et cessation des paiements ?


Une entreprise en difficulté financière conserve encore une capacité d’action : elle peut négocier, restructurer, obtenir un délai ou mobiliser des actifs à court terme.


La cessation des paiements, en revanche, marque la perte de cette capacité.


C’est le moment où la trésorerie immédiate ne permet plus de couvrir le passif exigible.Le franchissement de ce seuil entraîne des conséquences juridiques majeures, notamment l’obligation de déclaration auprès du tribunal compétent dans un délai de 45 jours (art. L. 631-4 du code de commerce).


3. Comment les juges apprécient-ils l’état de cessation des paiements ?


Les tribunaux adoptent une approche économique et pragmatique. Ils examinent les comptes bancaires, la trésorerie, les créances clients et la capacité réelle de l’entreprise à mobiliser ses actifs.


Les créances anciennes, en litige ou détenues sur des sociétés en procédure collective, ne sont pas considérées comme un actif disponible. C’est précisément ce qu’a rappelé la Cour d’appel de Versailles (22 juillet 2025) : l’actif disponible est celui qui peut être converti en liquidités à très court terme.


4. Que risque une entreprise en cessation des paiements ?


Dès qu’une entreprise est reconnue en état de cessation des paiements, elle peut faire l’objet de l’ouverture d’une procédure collective :


  • redressement judiciaire si un plan de redressement paraît possible ;

  • liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.


Ces procédures visent à organiser le traitement collectif des dettes, protéger les salariés et préserver, dans la mesure du possible, l’activité. Le dirigeant doit agir rapidement, car tout retard de déclaration peut engager sa responsabilité personnelle pour faute de gestion.


5. Comment éviter d’être déclaré en cessation des paiements ?


La prévention reste la meilleure stratégie.Pour éviter d’être considéré comme une entreprise en cessation des paiements, plusieurs réflexes s’imposent :


  • Surveiller régulièrement la trésorerie et les échéances fiscales et sociales.

  • Négocier en amont des échéanciers avec les organismes créanciers (Urssaf, fournisseurs).

  • Réaliser un audit de solvabilité pour identifier les points de tension.

  • Recourir, avant toute défaillance, à une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation (art. L. 611-4 et s. du code de commerce).


Ces dispositifs confidentiels permettent d’agir avant qu’il ne soit trop tard et d’éviter la spirale de l’insolvabilité.


Comment déclarer la cessation des paiements ?


La déclaration de cessation des paiements est une étape obligatoire pour tout dirigeant dont l’entreprise ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible.


Cette démarche, appelée aussi dépôt de bilan, doit être effectuée dans un délai de 45 jours à compter de la date de cessation.Elle s’effectue au greffe du tribunal compétent :


  • tribunal de commerce pour les sociétés commerciales,

  • tribunal judiciaire pour les professions libérales ou associations.


Le dirigeant doit remplir un formulaire de déclaration (CERFA n°10530*01) et y joindre les documents comptables récents : bilan, compte de résultat, état de trésorerie, liste des créanciers et des dettes.


Cette déclaration ouvre une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire) selon la situation financière de l’entreprise.L’obligation de déclarer dans les délais protège le dirigeant contre d’éventuelles sanctions pour faute de gestion ou dissimulation d’insolvabilité.


Quelles sont les conséquences de la cessation des paiements ?


Les conséquences varient selon la gravité de la situation et la capacité de l’entreprise à se redresser. Deux procédures principales peuvent être ouvertes :


  • Le redressement judiciaire, lorsque la continuité de l’activité et le paiement des dettes paraissent possibles.

  • La liquidation judiciaire, lorsque le redressement est manifestement impossible.


Une entreprise en état de cessation des paiements s’expose à plusieurs risques juridiques et financiers :


  • perte de contrôle de la gestion au profit d’un administrateur judiciaire ;

  • suspension des poursuites individuelles des créanciers ;

  • possible faillite personnelle ou interdiction de gérer en cas de faute grave ;

  • impact durable sur la réputation et la crédibilité bancaire.


Cependant, ces procédures ont aussi pour objet d’éviter l’aggravation des difficultés financières et d’organiser un traitement collectif équitable entre les créanciers.


Qui est concerné par la cessation des paiements ?


La cessation des paiements concerne toute entreprise en difficulté, qu’il s’agisse :


  • d’une personne morale (société commerciale, association) ;

  • d’une personne physique exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;

  • d’un entrepreneur individuel.


Le tribunal de commerce est compétent pour les commerçants et sociétés commerciales, tandis que le tribunal judiciaire traite les autres cas.


La procédure vise à protéger non seulement les intérêts des créanciers, mais aussi à éviter la détérioration du tissu économique et social.


En pratique, le dirigeant doit surveiller sa trésorerie et alerter dès les premiers signes de déséquilibre pour anticiper la procédure.


Comment éviter la cessation des paiements ?


Éviter la cessation des paiements repose avant tout sur la prévention et une bonne gestion financière.Plusieurs dispositifs existent pour agir avant qu’il ne soit trop tard :


  • Le mandat ad hoc, qui permet de négocier confidentiellement avec les créanciers sous l’égide d’un mandataire désigné par le tribunal.

  • La procédure de conciliation, ouverte en cas de difficultés avérées mais non encore insurmontables.

  • La mise en place d’un plan de redressement ou d’un plan d’apurement des dettes.


Il est également conseillé de solliciter rapidement une aide auprès du tribunal ou d’un conseil en droit des affaires.


Maintenir une trésorerie suffisante et suivre régulièrement les flux financiers sont les meilleurs moyens d’éviter le basculement vers l’insolvabilité. Une démarche préventive et transparente demeure la clé de la survie de nombreuses entreprises.


Quels sont les délais pour agir en cas de cessation des paiements ?


La loi impose un délai de 45 jours à compter de la date de cessation effective des paiements pour déposer la déclaration au tribunal compétent. Ce délai est impératif : un dépôt tardif peut constituer une faute de gestion et engager la responsabilité personnelle du dirigeant.


Le processus se déroule comme suit :


  • Identification de la date de cessation par le dirigeant ou son expert-comptable.

  • Dépôt du formulaire de déclaration et des pièces justificatives.

  • Ouverture de la procédure judiciaire (redressement ou liquidation).


Dans les cas urgents, le tribunal peut être saisi directement par un créancier ou le ministère public.L’entreprise doit donc agir avec rapidité et rigueur, car le temps imparti est court et les conséquences d’une inaction peuvent être lourdes.

 
 
bottom of page