La mention "lu et approuvé" est-elle toujours nécessaire dans nos contrats modernes ?
Longtemps perçue comme une garantie de consentement éclairé, cette formule traditionnelle soulève aujourd'hui des interrogations quant à sa véritable valeur juridique. Cet article analyse l'évolution législative et jurisprudentielle de cette pratique pour déterminer son utilité actuelle.
I. Comprendre la mention "lu et approuvé"
A. Définition et usage traditionnel
La mention "lu et approuvé" est une formule que l'on retrouve souvent à la fin des contrats, suivie de la signature des parties. Elle était historiquement utilisée pour attester que les signataires avaient pris connaissance du contenu du contrat et l'approuvaient en toute conscience. Cette pratique visait à renforcer la preuve du consentement des parties et à éviter toute contestation ultérieure sur la validité de l'engagement.
B. Origines historiques dans le Code civil de 1804
L'origine de cette mention remonte au Code civil de 1804. L'article 1326 du Code civil (dans sa version antérieure à 2016) exigeait que tout acte sous seing privé constatant un engagement unilatéral soit écrit en entier, de la main de celui qui s'engage, ou à défaut, que celui-ci ajoute de sa main "bon" ou "approuvé" suivi de la somme ou de la quantité en toutes lettres.
Cette exigence visait principalement les reconnaissances de dette pour prévenir les fraudes et garantir la sincérité de l'engagement.
II. Évolution législative de la mention
A. La loi du 13 juillet 1980 et ses implications
La loi n°80-525 du 12 juillet 1980 a modifié l'article 1326 du Code civil, assouplissant les conditions de validité des actes sous seing privé. Désormais, pour les engagements unilatéraux, il suffisait que la personne qui s'engage écrive de sa main la somme ou la quantité en toutes lettres, en plus de sa signature. L'obligation d'ajouter les mentions "bon pour" ou "approuvé" a été supprimée, rendant ainsi la mention "lu et approuvé" non obligatoire.
B. La réforme du droit des contrats en 2016
L'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 a réformé le droit des contrats, entraînant la suppression de l'article 1326 et son remplacement par l'article 1376 du Code civil. Ce dernier stipule :
"L'acte sous signature privée qui constate un engagement unilatéral de payer une somme d'argent ou de livrer un bien fongible n'a d'effet que s'il est revêtu de la signature de celui qui s'oblige ainsi que de la mention écrite par lui-même de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ; en cas de différence, l'acte sous signature privée vaut pour la somme écrite en toutes lettres."
Cette réforme a confirmé que seule la signature et la mention manuscrite du montant ou de la quantité sont requises pour la validité de l'engagement, sans nécessité d'ajouter la mention "lu et approuvé".
III. La position de la jurisprudence
A. Arrêts notables de la Cour de cassation
La jurisprudence a joué un rôle déterminant dans la clarification de la valeur juridique de la mention "lu et approuvé".
Arrêt du 24 juin 1993 (Cass. 1re civ., 24 juin 1993, n°91-21.653) : La Cour de cassation a affirmé que, pour les actes sous seing privé, la mention "lu et approuvé" n'est pas une condition de validité. Seule la signature des parties est requise.
Arrêt du 3 juin 2008 (Cass. 1re civ., 3 juin 2008, n°07-14.199) : La Cour a réitéré que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, les actes sous seing privé ne sont soumis à aucune formalité autre que la signature des parties.
B. Analyse des décisions récentes
Arrêt du 17 janvier 2019 (Cass. 2e civ., 17 janv. 2019, n°17-31.046) : La Cour de cassation a jugé que l'absence de la mention "lu et approuvé" n'affecte pas la validité d'un acte sous seing privé ni ne remet en cause le consentement des parties.
Ces décisions confirment que la mention "lu et approuvé" est considérée comme une formalité dépourvue d'incidence juridique sur la validité des contrats, sauf exceptions légales spécifiques.
IV. Cas spécifiques où la mention reste requise
A. Rupture conventionnelle du contrat de travail
L'un des rares cas où la mention "lu et approuvé" est encore expressément requise concerne la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée.
Selon la circulaire DGT n°2009-04 du 17 mars 2009, la convention de rupture doit être signée par les deux parties et comporter la mention manuscrite "lu et approuvé". Cette exigence vise à s'assurer du consentement éclairé du salarié, compte tenu des enjeux de la rupture du contrat de travail.
La Cour d'appel de Lyon, dans un arrêt du 23 septembre 2011, a annulé une rupture conventionnelle en l'absence de la mention "lu et approuvé", considérant que cette formalité était essentielle pour la validité de la convention.
B. Autres exceptions légales éventuelles
Dans certains cas spécifiques prévus par la loi, la mention "lu et approuvé" peut être requise, notamment :
Pour les cautionnements souscrits par des personnes physiques : L'article 1375 du Code civil impose des mentions manuscrites spécifiques pour la validité de l'engagement de caution.
Pour les actes de donation : L'article 931 du Code civil exige que les donations soient passées par acte notarié, mais certaines mentions peuvent être requises pour les dons manuels.
Il est donc important de vérifier les dispositions légales applicables à chaque type d'acte pour déterminer les exigences de forme.
V. La mention "lu et approuvé" aujourd'hui : utilité ou formalité ?
A. Les arguments pour son maintien
Bien que non obligatoire, la mention "lu et approuvé" peut présenter certains avantages :
Renforcer la prise de conscience : En ajoutant cette mention, les parties sont incitées à lire attentivement le contrat avant de le signer, ce qui peut prévenir des malentendus ou des contestations ultérieures.
Tradition et habitudes : La persistance de cette mention dans les pratiques contractuelles reflète une certaine tradition et peut rassurer les parties sur le sérieux de l'engagement.
B. Les raisons de son abandon
Cependant, plusieurs arguments militent en faveur de l'abandon de cette mention :
Absence de valeur juridique : Comme confirmé par la jurisprudence, la mention "lu et approuvé" n'a pas d'incidence sur la validité du contrat, dès lors que les parties ont signé le document.
Simplification des formalités : Supprimer des mentions inutiles contribue à la simplification et à la modernisation des pratiques contractuelles.
Clarté et sécurité juridique : Se concentrer sur la rédaction claire et précise des clauses contractuelles est plus pertinent que d'ajouter des mentions sans portée juridique.
VI. Conclusion : Faut-il encore utiliser la mention "lu et approuvé" ?
La mention "lu et approuvé" n'est plus une exigence légale pour la validité des contrats sous seing privé, sauf exceptions spécifiques prévues par la loi. Son utilisation relève davantage d'une habitude ou d'une précaution psychologique que d'une nécessité juridique.
Recommandations :
Pour les professionnels du droit et les contractants : Il est conseillé de ne pas se focaliser sur cette mention, mais plutôt de veiller à la clarté des clauses, à la compréhension mutuelle des engagements et à la signature des parties.
En cas de doute : Vérifiez les dispositions légales spécifiques à l'acte concerné pour déterminer si des mentions particulières sont requises.
FAQ sur la mention "lu et approuvé"
1. La mention "lu et approuvé" est-elle obligatoire dans tous les contrats ?
Non, cette mention n'est plus une obligation légale pour la validité des contrats sous seing privé, sauf exceptions spécifiques prévues par la loi, comme dans le cas de la rupture conventionnelle d'un contrat de travail.
2. L'absence de la mention "lu et approuvé" rend-elle un contrat invalide ?
Non, tant que le contrat est dûment signé par les parties, il reste valide. La mention "lu et approuvé" n'est pas une condition de validité, comme l'ont confirmé plusieurs arrêts de la Cour de cassation.
3. Dans quels cas la mention "lu et approuvé" est-elle encore requise ?
Elle est notamment requise lors de la conclusion d'une rupture conventionnelle d'un contrat de travail à durée indéterminée. D'autres cas spécifiques peuvent exister en fonction des dispositions légales applicables.
4. La mention "lu et approuvé" peut-elle renforcer la validité d'un contrat ?
Bien qu'elle ne soit pas nécessaire, la mention "lu et approuvé" peut avoir une valeur psychologique en renforçant la prise de conscience des parties sur leurs engagements. Cependant, elle n'ajoute pas de valeur juridique supplémentaire au contrat.
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