Peut-on exclure un associé de SAS sans lui permettre de voter ?
- Le Bouard Avocats
- 21 mai
- 5 min de lecture
Peut-on exclure un associé de SAS sans lui permettre de voter ? Ce qu’il faut savoir en 4 points
Si l’exclusion est décidée par tous les associés, même sous forme de comité, l’associé concerné doit pouvoir voter conformément à l’article 1844 du Code civil.
Si l’exclusion est confiée par les statuts à un comité restreint, composé uniquement de certains associés, l’associé visé peut être exclu du vote.
La décision d’exclusion n’a pas à être collective, sauf si les statuts le prévoient ; elle peut être prise par un organe de direction ou un tiers.
Dans une SAS à capital variable, l’exclusion ne peut résulter que d’une assemblée générale extraordinaire, sans exception possible.

Un principe général : le droit de vote, corollaire de la qualité d’associé
En matière de sociétés par actions simplifiées (SAS), la liberté statutaire est souvent présentée comme l’un des principaux attraits de cette forme sociale. Toutefois, cette liberté connaît des limites, notamment en ce qui concerne les droits essentiels des associés. Le droit de participer aux décisions collectives et celui de voter font partie intégrante de ces prérogatives.
L’article 1844, alinéa 1er du Code civil dispose que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ». Ce principe s’impose aux statuts, lesquels ne peuvent y déroger que si la loi le permet expressément. La jurisprudence de la Cour de cassation vient en renforcer la portée.
L’apport décisif de la jurisprudence du 23 octobre 2007
Par un arrêt rendu le 23 octobre 2007 [[Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16.537]], la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé qu’un associé de SAS ne pouvait être privé de son droit de vote sur une décision le concernant, y compris en cas d’exclusion.
Dès lors que la décision est qualifiée de collective, le principe de participation doit être respecté, même si l’exclusion vise l’associé en question.
La question posée : peut-on écarter un associé de SAS d’un comité statutaire chargé de statuer sur son exclusion ?
Un changement de perspective introduit par la pratique statutaire
Face aux limites posées par la jurisprudence précitée, certaines SAS ont tenté de contourner l’interdiction en créant des comités d’exclusion restreints. Ces organes, prévus par les statuts, ne regroupent qu’une partie des associés — par exemple, les fondateurs, les associés majoritaires, ou ceux disposant d’une ancienneté particulière.
L’objectif est clair : éviter que l’associé visé ne puisse bloquer ou influencer la décision de son éviction.
L’analyse de l’Ansa : distinction entre décision collective et décision restreinte
Dans un avis n° 25-012 du 5 mars 2025, le comité juridique de l’Association nationale des sociétés par actions (Ansa) apporte une clarification bienvenue. Selon cette position :
Si la décision d’exclusion est prise par un comité auquel participent tous les associés disposant du droit de vote, il s’agit d’une décision collective. Le principe de l’arrêt de 2007 s’applique : l’associé concerné ne peut être écarté du vote.
En revanche, si les statuts prévoient que la décision d’exclusion appartient à un comité restreint, composé de certains associés seulement (par exemple selon des critères de détention de capital ou d’ancienneté), alors l’associé visé peut en être exclu, y compris pour le vote.
Fondement juridique de cette distinction : un équilibre entre liberté statutaire et droits fondamentaux
L’article L. 227-16 du Code de commerce : fondement de l’exclusion statutaire
Le texte prévoit que :« Les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions dans les conditions qu’ils déterminent. »
Cet article autorise expressément la mise en œuvre d’une procédure d’exclusion, sans en imposer le passage par une décision collective des associés, sauf si les statuts en disposent ainsi. Il en résulte que :
Le recours à une instance restreinte d’exclusion n’est pas interdit ;
Ce n’est que lorsque l’exclusion repose sur une décision collective au sens strict que les règles protectrices de l’article 1844 du Code civil s’imposent.
Une exclusion sans décision collective est donc juridiquement envisageable
En pratique, les statuts peuvent confier le pouvoir d’exclusion :
À un organe de direction (président, conseil de surveillance, etc.) ;
À un tiers arbitre désigné dans les statuts ;
À une commission ad hoc composée partiellement d’associés.
Cette souplesse permet de sécuriser les exclusions délicates, notamment dans les start-up ou les sociétés familiales, tout en évitant l’instrumentalisation du droit de vote par l’associé en cause.
Mise en garde : attention à la rédaction des statuts
Ce que les statuts peuvent faire
Prévoir un comité d’exclusion restreint, dont l’associé concerné ne fait pas partie ;
Déléguer la décision d’exclusion à un organe non collectif (tiers, président, etc.) ;
Détailler les conditions de majorité et de quorum applicables à l’exclusion ;
Subordonner l’exclusion à des critères objectifs : violation grave des statuts, conflit d’intérêt avéré, comportement contraire à l’intérêt social, etc.
Ce que les statuts ne peuvent pas faire
Créer un comité composé de tous les associés sauf un pour statuer sur l’exclusion : dans ce cas, il s’agit bien d’une décision collective déguisée. L’exclusion du vote serait alors contraire à l’article 1844 du Code civil et à la jurisprudence précitée.
Déroger à la participation d’un associé à une décision collective sans base légale expresse.
SAS à capital variable : un régime juridique distinct
Il convient enfin de souligner une exception notable. Dans les SAS à capital variable, l’article L. 231-6, alinéa 2 du Code de commerce impose que l’exclusion d’un associé soit décidée par une assemblée générale extraordinaire. Ce formalisme, plus contraignant, prévaut sur la liberté offerte par l’article L. 227-16 du même code.
En conséquence :
L’exclusion ne peut jamais être confiée à un comité restreint ou à un organe unipersonnel ;
L’associé visé doit nécessairement être convoqué et pouvoir participer au vote ;
Toute clause contraire serait réputée non écrite.
Ce qu’il faut retenir
La décision d’exclusion d’un associé de SAS peut, sous conditions, être prise par un comité restreint d’associés, sans que l’associé visé ne participe au vote ;
Ce dispositif est juridiquement valable à condition que le comité ne soit pas composé de l’ensemble des associés ;
La distinction repose sur la qualification de la décision : collective ou restreinte ;
Pour les SAS à capital variable, l’exclusion relève obligatoirement d’une décision de l’assemblée générale extraordinaire.
En résumé, la question de l’exclusion d’un associé dans une SAS exige une grande rigueur dans la rédaction des statuts. Un simple glissement sémantique ou une approximation dans la désignation du comité compétent peut entraîner la nullité de la procédure et l’engagement de la responsabilité des dirigeants.
Un audit régulier des clauses statutaires est donc recommandé pour éviter tout risque juridique et préserver l’équilibre entre souplesse de gestion et respect des droits fondamentaux des associés.