Le licenciement pour faute grave : analyse juridique et pratique
- Le Bouard Avocats

- 17 nov. 2023
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 6 jours
Comprendre rapidement le licenciement pour faute grave
La faute grave correspond à un manquement du salarié d’une gravité telle qu’il est impossible de le maintenir dans l’entreprise, même pendant le préavis, ce qui entraîne une rupture immédiate du contrat.
Elle se distingue de la faute simple (pas de rupture immédiate) et de la faute lourde (intention de nuire), et prive le salarié de préavis et d’indemnité légale de licenciement, conformément à l’article L1234-9 du Code du travail.
Les tribunaux retiennent classiquement des situations comme ivresse sur le lieu de travail, absences injustifiées, insubordination, violences, harcèlement, vol, ou tout comportement rendant impossible la poursuite du contrat.
La procédure impose un strict formalisme : mise à pied conservatoire éventuelle, convocation, entretien préalable, puis notification motivée, selon les articles L1232-2 à L1232-6 du Code du travail.
Le salarié peut contester devant le Conseil de prud’hommes, lequel vérifie la cause réelle et sérieuse, la proportionnalité de la sanction et la régularité de la procédure, pouvant conduire à une requalification et à des dommages et intérêts en cas de manquement de l’employeur.
Comprendre ce qu’est réellement une faute grave
Définition claire et utile de la faute grave du salarié
La faute grave est un comportement du salarié qui constitue une violation sérieuse de ses obligations et rend impossible son maintien dans l’entreprise, même durant le préavis.Elle entraîne une rupture immédiate du contrat, sans indemnité de licenciement ni préavis, mais le salarié conserve son indemnité de congés payés.
La notion n’est pas définie par le Code du travail : ce sont les juges qui déterminent si les faits sont suffisamment graves.
Différence entre faute simple, grave et lourde
Faute simple : manquement réel mais pas assez grave pour exclure le maintien du salarié.
Faute grave : rupture immédiate justifiée par la gravité du comportement.
Faute lourde : même gravité, mais avec intention de nuire.
Exemples concrets reconnus par les tribunaux
Ivresse sur le lieu de travail.
Absences injustifiées perturbant le service.
Insubordination manifeste.
Harcèlement moral ou sexuel.
Violences verbales ou physiques.
Vol ou tentative de vol.
Chaque cas est apprécié individuellement : le contexte, l’ancienneté et le poste occupé influencent la qualification.
Comment les juges apprécient la faute grave
Les critères décisifs
Les tribunaux évaluent :
la nature du manquement,
ses conséquences sur l’entreprise,
les responsabilités du salarié,
son parcours disciplinaire.
La preuve repose uniquement sur l’employeur
Il doit démontrer :
la réalité des faits,
leur imputabilité,
leur gravité.
Sans preuve solide, la faute grave n’est pas retenue et le licenciement peut être jugé abusif.
L’obligation de justifier une cause réelle et sérieuse
La faute grave doit reposer sur des faits précis, vérifiables et objectivement graves.Un reproche vague ou non documenté ne suffit jamais.
La procédure légale du licenciement pour faute grave
Mise à pied conservatoire
Elle peut être décidée immédiatement lorsque le salarié ne peut plus rester dans l’entreprise.Ce n’est pas une sanction mais une mesure d’attente.
Convocation à l’entretien préalable
La convocation doit préciser :
l’objet (licenciement envisagé),
la date, l’heure et le lieu,
le droit à assistance.
Un délai de cinq jours ouvrables minimum doit être respecté.
Déroulement de l’entretien
L’employeur présente les faits reprochés.Le salarié donne ses explications.Cette étape est indispensable avant toute décision.
Notification du licenciement
La décision est confirmée par lettre recommandée.Elle doit détailler les motifs.La rupture est immédiate : aucun préavis n’est exécuté.
Comment contester un licenciement pour faute grave
Recours devant les prud’hommes
Le salarié peut demander au juge de vérifier :
la réalité des faits,
leur gravité,
la régularité de la procédure.
L’assistance d’un avocat est fortement recommandée.
Ce que vérifie le juge
Le Conseil de prud’hommes analyse :
les preuves,
la proportionnalité de la sanction,
le respect de la procédure.
Le juge peut :
écarter la faute grave,
requalifier le licenciement,
condamner l’employeur.
Risques pour l’employeur en cas de faute mal qualifiée
L’employeur peut être condamné à verser :
des indemnités de rupture non payées,
des dommages et intérêts,
voire assurer la réintégration.
Conséquences d’un licenciement pour faute grave
Pour le salarié
Le salarié perd :
l’indemnité légale de licenciement,
l’indemnité compensatrice de préavis.
Il conserve :
l’indemnité de congés payés,
l’accès aux allocations chômage, sous conditions.
Pour l’employeur
Un licenciement mal fondé peut :
coûter très cher en indemnités,
dégrader le climat social,
nuire à l’image de l’entreprise.
La faute grave est une sanction lourde et strictement encadrée. Elle suppose des faits sérieux, établis, et rendant impossible le maintien du salarié.La prudence s’impose autant dans l’évaluation des faits que dans le respect de la procédure, faute de quoi le licenciement peut être annulé ou requalifié.
FAQ — Licenciement pour faute grave (version détaillée)
Qu’est-ce qu’une faute grave dans le cadre d’un licenciement ?
La faute grave est un comportement du salarié qui constitue une violation sérieuse de ses obligations professionnelles et rend immédiatement impossible la poursuite du contrat de travail.
Elle justifie une rupture sans préavis ni indemnité de licenciement, car l’employeur ne peut pas laisser le salarié continuer à travailler, même temporairement.Cette notion n’est pas définie par la loi, mais uniquement par la jurisprudence, ce qui implique une appréciation au cas par cas.
Quels comportements peuvent être qualifiés de faute grave ?
Seuls les faits suffisamment graves pour désorganiser l’entreprise ou mettre en cause sa sécurité peuvent être qualifiés de faute grave. Parmi les situations les plus souvent reconnues :
état d’ivresse pendant le travail, surtout si la sécurité est en jeu ;
absences injustifiées répétées ou abandon de poste ;
refus volontaire d’exécuter les instructions hiérarchiques ;
violences physiques ou verbales, menaces, injures ;
harcèlement moral ou sexuel ;
vol, fraude ou tentative de détournement ;
non-respect d’obligations essentielles du poste (ex : confidentialité).À l’inverse, un simple désaccord, une erreur ponctuelle ou une performance insuffisante ne suffisent pas.
Qui doit prouver la faute grave : l’employeur ou le salarié ?
L’employeur porte entièrement la charge de la preuve. Il doit :
démontrer que les faits reprochés sont réels,
établir qu’ils sont imputables au salarié,
prouver qu’ils sont suffisamment graves pour empêcher son maintien dans l’entreprise.En cas de doute, le juge tranche toujours en faveur du salarié, car l’employeur a l’obligation de prouver ce qu’il avance.
La faute grave prive-t-elle le salarié de toutes ses indemnités ?
Non. Le salarié perd :
l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
l’indemnité compensatrice de préavis.En revanche, il conserve :
l’indemnité compensatrice de congés payés,
les salaires dus au titre de la mise à pied conservatoire si celle-ci est jugée injustifiée,
la possibilité d'obtenir des dommages et intérêts si le licenciement est requalifié.
Un salarié licencié pour faute grave peut-il toucher les allocations chômage ?
Oui. Contrairement à une idée fréquente, la faute grave n’empêche pas l’accès au chômage.Le salarié licencié peut percevoir l’ARE (allocation d’aide au retour à l’emploi) dès lors qu’il remplit les autres conditions d’éligibilité (durée d’activité suffisante, inscription à Pôle emploi…).
Seule la faute lourde n’a pas d’incidence non plus sur le droit au chômage.
Comment un salarié peut-il contester un licenciement pour faute grave ?
Il peut saisir le Conseil de prud’hommes et demander :
la requalification de la faute grave en faute simple,
ou l’annulation du licenciement s’il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Pour cela, il doit rassembler :
courriels, SMS, documents internes,
témoignages, échanges avec la hiérarchie,
tout élément démontrant que la faute est exagérée, inexistante ou insuffisamment grave.
L’assistance d’un avocat est fortement recommandée, car la qualification de la faute repose sur l’interprétation juridique des faits.
Quels points le juge vérifie-t-il lorsqu’il analyse un licenciement pour faute grave ?
Le Conseil de prud’hommes examine :
La réalité des faits : sont-ils prouvés ?
La gravité du comportement : empêchait-il réellement le maintien du salarié ?
Le respect de la procédure (convocation, entretien, délais, lettre motivée).
La proportionnalité : la sanction est-elle adaptée à la faute ?
Si l’un de ces éléments fait défaut, la faute grave est annulée ou requalifiée.
La mise à pied conservatoire signifie-t-elle que le licenciement est certain ?
Non. La mise à pied conservatoire est seulement une mesure provisoire.Elle permet d’écarter un salarié temporairement en attendant la fin de la procédure, mais :
elle ne préjuge pas de la qualification finale des faits,
elle ne dispense pas l’employeur de convoquer un entretien préalable,
elle peut être annulée si la faute grave n’est pas retenue.Si la faute grave n’est pas prouvée, le salarié peut obtenir le paiement de la mise à pied.
L’employeur peut-il licencier pour faute grave sans entretien préalable ?
Non. Le licenciement est automatiquement irrégulier si :
l’entretien préalable n’a pas eu lieu,
la convocation est insuffisamment motivée,
les délais ne sont pas respectés,
la lettre de licenciement n’indique pas clairement les faits reprochés.
Même en cas de faute grave, la procédure légale doit être strictement respectée.
Quels risques encourt un employeur si la faute grave n’est pas démontrée ?
Il peut être condamné à verser :
des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
les indemnités de licenciement et de préavis,
les salaires correspondant à une mise à pied injustifiée,
parfois la réintégration du salarié dans l’entreprise.
Certaines condamnations peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros selon l’ancienneté et la taille de l’entreprise.
La faute grave doit-elle être prouvée immédiatement après les faits ?
Oui. L’employeur doit agir rapidement. Une faute grave devient difficilement soutenable si :
l’employeur tarde à engager la procédure,
le salarié continue à travailler plusieurs jours sans mise à l’écart,
le comportement reproché est toléré ou non sanctionné.Le délai de réaction est un critère majeur pour les juges.



