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Photo du rédacteurLe Bouard Avocats

Révocation du dirigeant : quand la révocation dans une société justifie celle dans une autre société liée


La révocation d'un dirigeant social est un acte juridique majeur qui peut avoir des répercussions significatives, non seulement sur le dirigeant lui-même, mais également sur les sociétés concernées, surtout lorsqu'elles entretiennent des liens étroits.


La question se pose alors de savoir dans quelles conditions la révocation d'un dirigeant dans une société peut justifier sa révocation dans une autre société liée. Cette problématique a été récemment éclairée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 4 juin 2024 (RG n° 22/07491)



révocation du dirigeant


Le cadre juridique de la révocation du dirigeant


Les fondements légaux de la révocation


En droit français, la révocation des dirigeants de société est encadrée par des dispositions légales précises. Pour les gérants de SARL, l'article L. 223-25 du Code de commerce stipule que le gérant peut être révoqué par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Cette révocation peut intervenir à tout moment, mais si elle est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.


Le juste motif de révocation


Le juste motif est une notion fondamentale en matière de révocation. Il s'apprécie au regard de la faute du dirigeant, de son incapacité à gérer la société ou de tout comportement compromettant l'intérêt social. La jurisprudence a précisé que le juste motif peut résulter d'une faute de gestion, d'une attitude nuisant au bon fonctionnement de la société ou encore d'un conflit d'intérêts.


L'indépendance du contrat de travail et du mandat social


Principe d'autonomie


Le cumul des fonctions de dirigeant social et de salarié est admis sous certaines conditions. Toutefois, le contrat de travail et le mandat social sont juridiquement distincts. Ainsi, la révocation du mandat social n'entraîne pas automatiquement la rupture du contrat de travail, et inversement.


Ce principe d'autonomie a été rappelé à plusieurs reprises par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 20 juin 2006 (Cass. com., 20 juin 2006, n° 05-14.168).


Pour toute question relative à la révocation des dirigeants ou à la gestion des relations entre sociétés liées, il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit des sociétés.

Cas où les faits justifient les deux ruptures


Cependant, certains faits peuvent justifier simultanément la révocation du mandat social et le licenciement du contrat de travail. Lorsque les manquements du dirigeant affectent tant ses fonctions de salarié que celles de mandataire social, la rupture des deux liens peut être envisagée. C'est le cas, par exemple, d'un comportement inapproprié nuisant à l'intérêt de la société.


La révocation du dirigeant dans des sociétés liées par des relations contractuelles


Présentation du cas d'espèce


Dans l'affaire jugée par la Cour d'appel de Paris le 4 juin 2024, un gérant cumulait des fonctions dans deux sociétés étroitement liées : la société HRO France (société A) et la société BdS 3 (société B). La société A avait confié à la société B la gestion d'un projet immobilier, et les deux sociétés étaient contractuellement liées par plusieurs accords de collaboration.


La révocation dans la société mère et la filiale


Le gérant a été révoqué de son mandat social dans la société A à la suite d'un comportement jugé inapproprié envers une salariée, conduisant également à son licenciement pour faute grave. Considérant que cette révocation empêchait la poursuite normale des relations entre les deux sociétés, l'associé unique de la société B a également décidé de le révoquer de ses fonctions de gérant.


L'impact des liens contractuels sur la révocation


La question s'est alors posée de savoir si la révocation dans la société A pouvait constituer un juste motif de révocation dans la société B. La Cour a estimé que, compte tenu des liens étroits et contractuels entre les deux sociétés, et du fait que la gestion de la société B était intrinsèquement liée à l'intervention de la société A, la révocation était justifiée.


Jurisprudence récente : l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 juin 2024


Analyse des faits


Le gérant révoqué, M. [A] [T], avait été nommé gérant des deux sociétés en raison de la collaboration étroite entre elles. Son comportement agressif et méprisant envers les salariés et partenaires a été rapporté par plusieurs témoignages concordants. Ce comportement a été jugé contraire à l'intérêt social et nuisible à la réputation des sociétés.


Motifs de la décision


La Cour d'appel a considéré que :


  • Pour la société HRO France : La révocation était justifiée par un juste motif, à savoir le comportement inapproprié du gérant compromettant le bon fonctionnement interne et l'intérêt social de la société.

  • Pour la société BdS 3 : La révocation dans la première société justifiait la révocation dans la seconde, en raison de l'interdépendance contractuelle et fonctionnelle entre les deux sociétés. La poursuite du mandat social dans la société B aurait été incompatible avec la rupture des liens avec la société A.


Portée de la décision


Cet arrêt confirme que, dans des situations où deux sociétés sont étroitement liées par des contrats et des intérêts communs, la révocation d'un dirigeant dans l'une peut constituer un juste motif de révocation dans l'autre. La décision s'appuie sur l'intérêt social et le fonctionnement optimal des sociétés concernées.


Enseignements pour les praticiens du droit sur la révocation du dirigeant de 2 entités liées


Conséquences pour les dirigeants


Les dirigeants exerçant des mandats dans plusieurs sociétés liées doivent être conscients que leur comportement peut avoir des répercussions transversales. Un manquement dans l'une des sociétés peut justifier des mesures similaires dans les autres, surtout si les sociétés partagent des intérêts étroits ou des projets communs.


Recommandations pour les sociétés


Les sociétés doivent veiller à :


  • Clauses contractuelles claires : Préciser dans les statuts ou les contrats les conditions de révocation des dirigeants en cas de rupture des relations avec des sociétés liées.

  • Préservation de l'intérêt social : Évaluer l'impact d'une révocation sur le fonctionnement et la réputation de la société.

  • Respect des procédures : Assurer que la révocation respecte les droits du dirigeant, notamment en matière d'information et de possibilité de défense, pour éviter tout risque de contentieux.


Conclusion


L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 juin 2024 souligne l'importance de l'intérêt social et du bon fonctionnement des sociétés dans l'appréciation du juste motif de révocation d'un dirigeant. Lorsque des sociétés sont liées par des relations contractuelles étroites, la révocation dans l'une peut légitimement justifier la révocation dans l'autre, surtout si le dirigeant joue un rôle clé dans la collaboration entre les deux entités.


Les dirigeants doivent adopter une conduite irréprochable, non seulement pour préserver leur mandat, mais également pour éviter des répercussions sur l'ensemble des sociétés dans lesquelles ils exercent des fonctions. Les sociétés, quant à elles, doivent s'assurer que les procédures de révocation sont conformes aux dispositions légales et jurisprudentielles, tout en préservant leur intérêt social.




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