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Résiliation du bail commercial après échec du plan de redressement

  • Photo du rédacteur: Le Bouard Avocats
    Le Bouard Avocats
  • il y a 1 heure
  • 4 min de lecture

Comprendre la résiliation du bail commercial après résolution du plan de redressement d'un locataire


  • La liquidation judiciaire ouverte le même jour que la résolution du plan ouvre une nouvelle procédure collective ; le délai de trois mois pour agir redémarre (C. com., art. L 641‑12, 3°).

  • Les loyers impayés entre le jugement d’ouverture initial et la résolution du plan deviennent des créances antérieures ; ils ne fondent plus la résiliation.

  • Seule une décision ayant force de chose jugée avant la nouvelle procédure permet encore au bailleur d’opposer la résiliation.

  • Le bailleur doit déclarer sa créance de loyers impayés à la nouvelle liquidation, faute de quoi il sera forclos.

  • Locataires et repreneurs préservent la valeur du fonds en payant régulièrement les loyers post‑plan et en négociant un échéancier réaliste.




La question de la résiliation du bail commercial, déjà complexe en situation de redressement judiciaire, se raffine encore lorsque survient la résolution du plan et l’ouverture, dans la foulée, d’une liquidation judiciaire.


L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 juin 2025 (n° 23‑22.076 et a.) éclaire définitivement la portée de ce scénario pour les bailleurs, les dirigeants de sociétés locataires et les repreneurs de fonds de commerce.


Les règles de base applicables au bail commercial en période de procédure collective


Le gel des poursuites instauré par l’article L 622‑21 du code de commerce


Dès le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, toute action en résiliation fondée sur des impayés antérieurs est interdite. L’exigibilité des loyers reste entière, mais le bailleur devient créancier chirographaire ; il ne peut ni faire jouer une clause résolutoire ni assigner en résiliation.


La fenêtre de tir offerte par les articles L 622‑14, L 631‑14 et L 641‑12


Le législateur ménage toutefois un droit de reprise : si, trois mois après l’ouverture, les loyers postérieurs demeurent impayés, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la clause résolutoire. Le délai se calcule à compter du jugement d’ouverture, sauf exception majeure étudiée ci‑après.





Résolution du plan : un nouveau départ procédural


Le caractère novateur des articles L 626‑27 et L 631‑20


Lorsque le plan de sauvegarde ou de redressement est résolu, le tribunal prononce, dans le même jugement, une nouvelle procédure : redressement ou liquidation judiciaire. La Cour de cassation qualifie cet enchaînement de procédure distincte, et non de simple conversion.


Conséquence directe : les dettes nées avant ce nouveau jugement « tombent » dans le passif antérieur ; un nouveau délai de trois mois recommence à courir.

Impact sur les loyers impayés


Les loyers échus entre le jugement d’ouverture initial et la résolution du plan deviennent antérieurs à la nouvelle procédure. Le bailleur ne peut plus invoquer leur impayé pour obtenir la résiliation ; il doit déclarer sa créance au passif de liquidation.


Seule échappatoire : disposer d’une décision passée en force de chose jugée constatant la résiliation avant la date de résolution du plan.

L’arrêt « Pasaryne » du 12 juin 2025 : rappel des faits et portée pratique


Contexte factuel


Le locataire, société O Sorbet d’Amour, bénéficie d’un plan de redressement depuis 2019. Faute de paiement des loyers postérieurs, les bailleresses saisissent le juge‑commissaire ; elles obtiennent la résiliation, assortie de l’exécution provisoire. Pendant l’appel, le plan est résolu et la liquidation ouverte le 8 mars 2023.



Position de la Cour de cassation


La haute juridiction casse les arrêts d’appel ayant confirmé la résiliation :


  • La liquidation ouverte sur résolution du plan constitue, au sens des articles précités, une nouvelle procédure collective.

  • La demande de résiliation se heurte donc à l’interdiction de l’article L 641‑11‑1, sauf si un jugement irrévocable avait déjà prononcé la résiliation.

  • L’exécution provisoire ne suffit pas : seul l’arrêt définitif, non susceptible de recours suspensif, consacre la chose jugée (C. pr. civ., art. 500).





Conseils opérationnels pour bailleurs, dirigeants et repreneurs de baux commerciaux


Pour le bailleur : sécuriser le loyer tout en respectant les délais


  • Réagir vite : notifier la mise en demeure dès la première échéance impayée postérieure au jugement d’ouverture.

  • Saisir le juge‑commissaire à l’issue des trois mois (art. L 631‑14).

  • Vérifier le calendrier : si une résolution du plan est envisagée, accélérer la procédure pour obtenir une décision définitive avant l’éventuelle liquidation.

  • Déclarer la créance au passif de la nouvelle procédure pour les loyers antérieurs ; l’omission prive de dividende.


Pour le locataire ou le repreneur : préserver la continuité d’exploitation


  • Maintenir les règlements post‑plan : un retard dans cette phase entraîne non seulement la résiliation mais aussi la perte potentielle du fonds de commerce.

  • Anticiper un plan de cession : l’article L 642‑19 permet de reprendre le bail sans dette locative, si le plan est arrêté rapidement.

  • Négocier avec le bailleur un échéancier compatible avec la trésorerie projetée : le juge‑commissaire appréciera la bonne foi dans le règlement.



Points essentiels à retenir


  • La résolution d’un plan suivie d’une liquidation ouvre une nouvelle procédure ; le délai de trois mois pour agir en résiliation repart à zéro.

  • Les loyers impayés pendant la période du plan deviennent des créances antérieures à la liquidation ; ils ne justifient plus la résiliation.

  • Seule une décision définitive obtenue avant la résolution du plan permet au bailleur d’opposer la résiliation dans la nouvelle procédure.

  • Dirigeant ou repreneur, le paiement régulier des loyers post‑plan reste le meilleur gage de pérennité du bail commercial et donc de la valeur du fonds.


La résiliation du bail commercial après la résolution du plan de redressement du locataire illustre la subtile articulation entre droit des procédures collectives et droit des baux. Pour le bailleur, la vigilance s’impose : le calendrier procédural conditionne la sauvegarde de son droit de reprise.


Pour le dirigeant ou l’investisseur, la discipline de paiement et l’anticipation des étapes judiciaires demeurent la clé d’une exploitation continue. L’arrêt du 12 juin 2025 rappelle, s’il en était besoin, que la procédure collective est un terrain technique où le temps joue souvent contre celui qui hésite.

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