Mise à la retraite en cumul emploi-retraite : ce que change la loi séniors
- Le Bouard Avocats
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Ce qu’il faut retenir sur la mise à la retraite en cumul emploi-retraite
La mise à la retraite à l’initiative de l’employeur s’applique désormais pleinement aux salariés en cumul emploi-retraite, y compris lorsqu’ils percevaient déjà une pension lors de leur embauche.
Le fait pour un salarié d’avoir atteint l’âge du taux plein avant son recrutement ne fait pas obstacle à l’application de la procédure légale de mise à la retraite.
Entre 67 et 69 ans inclus, la mise à la retraite reste subordonnée à l’accord exprès du salarié, qui doit être recueilli selon une procédure formalisée.
À partir de 70 ans, l’employeur peut mettre le salarié à la retraite d’office, sous réserve du respect du cadre légal et de l’absence d’abus.
Une mise à la retraite irrégulière expose l’employeur à une requalification en licenciement et à des conséquences financières significatives.

La mise à la retraite à l’initiative de l’employeur constitue un mode de rupture du contrat de travail à part entière. Elle se distingue du licenciement, mais aussi du départ volontaire à la retraite, et obéit à un régime juridique particulièrement encadré.
En pratique, cette matière demeure source de contentieux, notamment lorsque la procédure est mal maîtrisée ou appliquée de manière mécanique.
La loi du 24 octobre 2025, dite loi « séniors », est venue apporter une clarification attendue concernant l’application de la mise à la retraite aux salariés embauchés tardivement, et plus particulièrement à ceux qui se trouvent déjà en situation de cumul emploi-retraite.
Cette intervention législative sécurise un terrain jusqu’alors incertain et consacre une évolution jurisprudentielle récente.
La mise à la retraite : un mode de rupture strictement encadré
Mise à la retraite et départ volontaire : deux régimes distincts
Il est essentiel de rappeler que la mise à la retraite n’est pas une simple déclinaison du départ volontaire à la retraite. Dans le premier cas, l’initiative appartient à l’employeur. Dans le second, la rupture procède de la seule volonté du salarié.
Cette distinction emporte des conséquences juridiques majeures, tant sur la procédure applicable que sur le régime indemnitaire et les risques contentieux associés.
La mise à la retraite est réservée aux salariés ayant atteint un âge déterminé par la loi. Elle ne peut être décidée librement, ni assimilée à un licenciement déguisé.
Les seuils d’âge applicables à la mise à la retraite
Avant 67 ans : un principe d’interdiction
Avant l’âge de 67 ans, l’employeur ne peut pas mettre un salarié à la retraite. Toute rupture décidée unilatéralement en dehors des cas prévus par la loi s’analyse en un licenciement, soumis aux règles de droit commun.
Entre 67 et 69 ans inclus : une mise à la retraite sous condition
Entre 67 et 69 ans inclus, la mise à la retraite reste possible, mais uniquement avec l’accord du salarié. L’employeur doit respecter une procédure spécifique d’interrogation, qui permet au salarié de se prononcer sur son intention de quitter ou non l’entreprise.
En l’absence d’accord clair et non équivoque, la mise à la retraite ne peut pas être mise en œuvre.
À partir de 70 ans : la mise à la retraite d’office
À compter de 70 ans, l’employeur peut mettre le salarié à la retraite sans son accord. Cette faculté ne dispense toutefois pas du respect du cadre légal et de l’interdiction de tout abus, notamment en cas de détournement de procédure.
Pourquoi le cumul emploi-retraite posait une difficulté juridique
Le développement du cumul emploi-retraite a profondément modifié les parcours professionnels. Il n’est désormais plus rare qu’un salarié :
liquide ses droits à la retraite,
perçoive une pension,
puis soit recruté ou poursuive une activité salariée.
Dans ce contexte, une question demeurait sensible : la mise à la retraite peut-elle s’appliquer à un salarié qui est déjà retraité au moment de son embauche ou qui perçoit déjà une pension au moment où l’employeur envisage la rupture ?
La procédure traditionnelle reposait sur une logique d’accès à la retraite. Or, dans le cadre du cumul emploi-retraite, le salarié bénéficie déjà de ce droit. Cette situation a longtemps nourri une insécurité juridique, tant pour les employeurs que pour les salariés concernés.
Les apports de la loi du 24 octobre 2025
Une clarification attendue du régime légal
La loi « séniors » est venue lever toute ambiguïté en complétant les dispositions relatives à la mise à la retraite. Désormais, le régime de droit commun s’applique pleinement aux salariés embauchés alors qu’ils avaient déjà atteint l’âge du taux plein, y compris lorsqu’ils perçoivent déjà une pension de retraite.
Cette précision est déterminante dans un contexte où les entreprises recrutent de plus en plus de profils expérimentés, parfois au-delà de 67 ans.
L’âge du taux plein atteint avant l’embauche n’est plus un obstacle
La loi précise expressément que le fait pour un salarié d’avoir atteint l’âge du taux plein avant son embauche ne fait pas obstacle à une mise à la retraite ultérieure.
L’employeur conserve donc la possibilité d’appliquer la procédure légale, sous réserve du respect des seuils d’âge et, le cas échéant, de l’accord du salarié.
Une procédure applicable même en cas de pension déjà liquidée
Le texte vise également le salarié en cumul emploi-retraite. L’employeur doit désormais interroger le salarié sur son intention de quitter volontairement l’entreprise pour bénéficier ou continuer de bénéficier d’une pension de retraite.
Cette formulation intègre explicitement la situation du cumul emploi-retraite et confirme que la perception d’une pension n’exclut pas, en soi, la mise à la retraite.
Une consécration législative d’une jurisprudence récente
Avant l’intervention du législateur, la jurisprudence avait déjà amorcé ce mouvement. Les juges avaient admis qu’un salarié embauché alors qu’il remplissait déjà les conditions d’une retraite à taux plein pouvait néanmoins être mis à la retraite d’office à 70 ans, dès lors qu’il n’avait pas atteint cet âge au moment de son engagement.
La loi du 24 octobre 2025 ne crée donc pas une rupture. Elle consolide une solution déjà esquissée par la jurisprudence et apporte une sécurité juridique bienvenue aux acteurs de la relation de travail.
Une vigilance accrue entre 67 et 69 ans
L’accord du salarié reste déterminant
Entre 67 et 69 ans inclus, la réforme ne modifie pas l’exigence fondamentale : la mise à la retraite suppose l’accord du salarié. Cet accord doit être exprès, libre et éclairé.
L’employeur ne peut pas se contenter d’un silence ou d’une réponse ambiguë. Toute précipitation expose à un risque de requalification de la rupture.
Une procédure à formaliser avec soin
Dans la pratique, la sécurisation passe par :
une interrogation écrite, claire et datée,
une réponse explicite du salarié,
la conservation des échanges permettant de démontrer le respect de la procédure.
En cumul emploi-retraite, l’attention portée à la rédaction des courriers est essentielle afin d’éviter toute confusion sur la nature de la rupture.
Les risques en cas de mauvaise application du dispositif
Une mise à la retraite irrégulière peut entraîner des conséquences lourdes pour l’employeur.
Les principaux risques sont les suivants :
requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
contentieux fondé sur la discrimination liée à l’âge,
condamnations financières significatives, incluant indemnités de rupture, dommages et intérêts et rappels de salaire.
Pour le salarié, la contestation peut permettre de faire reconnaître une rupture abusive ou irrégulière, notamment lorsque l’accord requis n’a pas été valablement recueilli.
Bonnes pratiques pour sécuriser la mise à la retraite en cumul emploi-retraite
Côté employeur
Il est recommandé de :
vérifier précisément l’âge du salarié à la date envisagée de rupture,
identifier si l’accord du salarié est requis,
formaliser chaque étape de la procédure,
éviter toute motivation étrangère au cadre légal de la mise à la retraite.
Côté salarié
Il convient de s’interroger sur :
le respect de la procédure d’interrogation,
la réalité et la portée de l’accord donné,
l’absence de pression ou de détournement de la mise à la retraite à des fins étrangères à l’âge.
Avec la loi du 24 octobre 2025, la mise à la retraite en cumul emploi-retraite sort définitivement de l’incertitude. Le législateur a clarifié un dispositif devenu indispensable dans un contexte de prolongation des carrières et de valorisation de l’expérience professionnelle.
Pour autant, cette sécurisation ne signifie pas un assouplissement. La mise à la retraite demeure une procédure sensible, étroitement contrôlée par le juge. Elle impose rigueur, anticipation et maîtrise juridique, tant pour les employeurs que pour les salariés concernés.
Foire aux questions sur mise à la retraite et cumul emploi retraite
Un salarié déjà retraité peut-il être mis à la retraite par son employeur ?
Oui. Le fait qu’un salarié perçoive déjà une pension de retraite n’exclut pas l’application du régime de la mise à la retraite. La loi prévoit désormais expressément que la procédure s’applique au salarié en cumul emploi-retraite.
L’employeur peut donc engager la démarche, sous réserve du respect des seuils d’âge et, le cas échéant, de l’accord du salarié lorsque celui-ci est requis.
L’employeur peut-il mettre à la retraite un salarié embauché après 67 ans ?
Oui. Le fait que le salarié ait atteint l’âge du taux plein avant son embauche ne fait pas obstacle à une mise à la retraite ultérieure. L’employeur conserve la faculté d’appliquer la procédure légale, notamment la mise à la retraite d’office à partir de 70 ans.
En revanche, entre 67 et 69 ans, l’accord du salarié demeure indispensable.
Comment l’accord du salarié doit-il être recueilli entre 67 et 69 ans ?
L’accord du salarié doit être exprès, clair et non équivoque. Il ne peut pas être déduit du silence ou d’un comportement ambigu.
En pratique, l’employeur doit interroger formellement le salarié sur son intention de quitter l’entreprise et conserver la preuve de sa réponse. À défaut d’accord, la mise à la retraite ne peut pas être mise en œuvre.
Que se passe-t-il si la procédure de mise à la retraite n’est pas respectée ?
En cas de non-respect des conditions légales, la rupture du contrat de travail peut être requalifiée en licenciement.
Cette requalification expose l’employeur à des condamnations financières, notamment au titre des indemnités de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire à un contentieux fondé sur la discrimination liée à l’âge.
Quels points de vigilance pour un salarié en cumul emploi-retraite ?
Le salarié doit vérifier si son accord était requis au moment de la mise à la retraite, si la procédure a été respectée et si la décision repose exclusivement sur le cadre légal lié à l’âge.
En cas de doute, notamment lorsque la mise à la retraite masque un autre objectif, une analyse juridique approfondie peut permettre d’envisager une contestation de la rupture.
