Licenciement verbal en France : légalité, procédures et conséquences
- Le Bouard Avocats

- 15 mars 2024
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 nov.
Comprendre le licenciement verbal en droit du travail français
Un licenciement verbal est une rupture du contrat annoncée sans lettre écrite, par des paroles ou des actes (interdiction d’accès, désactivation de badge, annonce publique du départ, message numérique).
Il est toujours irrégulier : la loi impose une notification de licenciement par lettre motivée, envoyée après entretien préalable. Une rupture verbale est en principe qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La preuve repose sur le salarié, mais peut être apportée par témoignages, mails, SMS, messages Teams/Slack, constats d’huissier, logs informatiques, etc., dès lors qu’ils montrent une volonté claire de rompre le contrat.
Même si l’employeur envoie ensuite une lettre de licenciement en bonne et due forme, cette lettre ne “répare” pas le licenciement verbal intervenu auparavant ; c’est la rupture orale ou de fait qui est prise en compte par le juge.
Le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir indemnités de licenciement, préavis, rappel de salaires et dommages-intérêts, tandis que l’employeur doit renforcer ses procédures internes pour éviter toute annonce prématurée de rupture.

Qu’est-ce qu’un licenciement verbal ?
Le licenciement verbal désigne le fait, pour un employeur, d’annoncer la rupture du contrat de travail sans notification écrite, alors même que la loi impose une procédure formelle avec entretien préalable et lettre motivée envoyée par courrier recommandé.
En droit français, cette situation constitue une irrégularité majeure. La procédure écrite est obligatoire pour tous les licenciements, qu’ils soient pour motif personnel [[articles L.1232-2 et suivants du Code du travail]] ou pour motif économique [[articles L.1233-11 et suivants]].
Un licenciement verbal peut exister même sans parole directe
La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 23 octobre 2019 (n°17-28.800), qu’une simple annonce publique du départ d’un salarié, faite avant la convocation ou la lettre de licenciement, caractérise un licenciement verbal. Peu importe que le salarié ait été informé ou non :➡️ c’est la manifestation publique de la volonté de rompre qui compte.
Ainsi, toute communication prématurée auprès d’un collègue, d’un client, ou d’un tiers suffit à rendre la procédure irrégulière.
Un licenciement verbal entraîne automatiquement un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dès que la rupture est exprimée oralement ou révélée par un acte non équivoque, la procédure ultérieure (entretien, lettre de licenciement) devient juridiquement inefficace.La sanction est automatique :
➡️ le licenciement est considéré sans cause réelle et sérieuse,
➡️ et l’employeur s’expose à des dommages-intérêts devant le conseil de prud’hommes.
Une rupture verbale peut résulter d’actes, pas uniquement de paroles
Le licenciement verbal ne suppose pas toujours une phrase du type « vous êtes licencié ».Il peut être caractérisé lorsque l’employeur :
retire au salarié son accès aux locaux,
désactive ses outils informatiques,
annonce son remplacement,
ou communique son départ à des tiers avant la lettre officielle.
Ces actes manifestent une volonté claire de rompre le contrat.
La charge de la preuve repose sur le salarié
Le salarié doit prouver que l’annonce verbale ou l’acte de rupture :
a eu lieu,
est antérieur à la notification écrite.
Toutes formes de preuves sont admises :
mails,
SMS,
messages instantanés internes (Teams, Slack, WhatsApp),
témoignages,
captures d’écran,
constats d’huissier,
enregistrements lorsqu’ils sont nécessaires à la défense.
Les preuves doivent établir que la rupture est intervenue avant la lettre recommandée.
Pourquoi consulter un avocat en cas de licenciement verbal ?
Un licenciement verbal entraîne des conséquences immédiates : rupture du contrat, irrégularité de la procédure, indemnisation potentielle. Un salarié confronté à cette situation doit immédiatement consulter un avocat en droit du travail pour :
sécuriser la preuve,
évaluer les recours,
saisir le conseil de prud’hommes,
chiffrer l’indemnisation possible.
Pour l’employeur, l’accompagnement d’un avocat permet d’éviter des erreurs graves dans la conduite de la procédure et de limiter le risque de condamnation.
Nouvelles preuves numériques admises par les tribunaux dans le cadre d'un licenciement à l'oral d'un salarié
Depuis 2023, les juridictions sociales acceptent de manière croissante les preuves numériques liées aux outils professionnels. Les salariés peuvent désormais produire :
des captures d’écran de messages Slack, Teams ou WhatsApp,
des notifications automatiques de désactivation de leurs accès,
des logs informatiques attestant de l’exclusion d’un groupe ou d’un outil professionnel,
des messages vocaux envoyés par l’employeur,
ou encore des enregistrements de visioconférence lorsqu’ils constituent la seule manière de démontrer la rupture.
Le juge prud’homal apprécie la loyauté de la preuve, mais l’arrêt du 22 décembre 2023 a assoupli cette exigence en admettant qu’une preuve obtenue de façon discutable puisse être recevable si elle est indispensable à l’exercice des droits de la défense [[Cass. ass. plén., 22 déc. 2023, n°20-20.648]].
Ces évolutions renforcent considérablement les possibilités de preuve du licenciement verbal.

Jurisprudence récente en matière de licenciement verbal
Les décisions rendues entre 2023 et 2025 ont profondément clarifié la notion de licenciement verbal, en insistant sur le fait que la rupture peut résulter d’actes non équivoques, et non uniquement de paroles prononcées par l’employeur.
La rupture peut être caractérisée par des actes, même sans paroles
La Cour de cassation a ainsi jugé qu’un employeur manifeste une volonté claire de rompre le contrat lorsqu’il désactive le badge d’accès du salarié ou supprime ses accès informatiques, dès lors que ces mesures rendent impossible toute poursuite de l’activité [[Cass. soc., 22 mai 2024, n°22-15.183]].
Même silencieuses, ces mesures constituent une rupture unilatérale immédiate, assimilée à un licenciement verbal.
Une annonce à un tiers ou sur un outil numérique peut suffire
Dans un arrêt du 11 mai 2023, la Haute Juridiction a rappelé que le licenciement verbal peut résulter de propos tenus à un tiers, ou diffusés dans un espace collectif de travail, même en l’absence de conversation directe avec le salarié [[Cass. soc., 11 mai 2023, n°21-21.053]].
À l’ère des messages instantanés, une annonce publiée sur Teams, Slack ou une messagerie interne peut donc suffire à caractériser la rupture.
La lettre envoyée après coup n’a aucun effet régularisateur
Les juges ont également confirmé en 2024 et 2025 que l’envoi ultérieur d’une lettre de licenciement ne “rattrape” jamais un licenciement verbal.
Si la rupture est intervenue oralement ou par un acte équivalent la lettre recommandée devient sans effet juridique, et le licenciement est automatiquement considéré sans cause réelle et sérieuse, même si les motifs invoqués étaient parfaitement légitimes.
Une tendance jurisprudentielle très nette
L’ensemble de ces décisions révèle un mouvement constant :
➡️ la volonté de rupture peut être déduite de tout comportement non équivoque, y compris numérique.
➡️ la vigilance des employeurs doit être renforcée, car la moindre manifestation anticipée de la rupture peut suffire à engager leur responsabilité.
La jurisprudence récente invite ainsi les entreprises à verrouiller strictement leurs pratiques, notamment en matière de communication interne et de gestion des accès informatiques, pour éviter toute rupture “de fait” avant l’envoi de la lettre de licenciement.
Exemples concrets de licenciement verbal reconnus par les juges
La notion de licenciement verbal peut sembler abstraite, mais les juges ont déjà considéré de nombreux comportements comme constituant une rupture orale du contrat de travail. Voici les situations les plus fréquentes, toutes issues de décisions récentes.
1. Annonce du départ à un collègue ou à un client
Lorsqu’un employeur indique à un tiers que le salarié « ne reviendra pas » ou qu’il « quitte l’entreprise », cette simple déclaration peut suffire à caractériser un licenciement verbal, même si le salarié n’a rien entendu directement.
👉 Jurisprudence confirmée [[Cass. soc., 11 mai 2023, n°21-21.053]].
2. Désactivation du badge ou des accès informatiques
La rupture est caractérisée lorsque l’employeur rend impossible la poursuite du travail en retirant les accès physiques ou numériques : badge d’entrée, ordinateur, logiciels internes, e-mails professionnels.
👉 Assimilé à un licenciement de fait [[Cass. soc., 22 mai 2024, n°22-15.183]].
3. Remplacement annoncé avant la lettre de licenciement
Le fait d’indiquer publiquement qu’un salarié est remplacé, que le recrutement est lancé ou que son poste va être confié à un autre constitue une manifestation de volonté de rupture.
👉 Les juges retiennent la rupture non équivoque du contrat.
4. Interdiction d’accès aux locaux sans justification écrite
Refuser l’entrée au salarié, lui demander de rentrer chez lui ou de ne plus revenir avant même l’envoi d’une mise à pied ou d’une lettre de licenciement est considéré comme un licenciement verbal.
👉 Y compris lorsque l’employeur invoque un « malentendu ».
5. Message écrit ou oral diffusé dans un groupe de travail interne
Un message Teams/Slack/WhatsApp, une note interne ou une annonce en réunion informant que le salarié quitte l’entreprise est assimilé à une rupture verbale.
👉 La jurisprudence accepte ces preuves numériques dès lors qu’elles matérialisent la volonté de rompre.
Les conséquences renforcées depuis 2024 : barème Macron et risques accrus pour l’employeur
Depuis la confirmation définitive du barème Macron par la Cour de cassation en mai 2022 [[Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490]], les juridictions prud’homales appliquent strictement le barème d’indemnisation.
Un licenciement verbal est automatiquement considéré comme sans cause réelle et sérieuse, et ouvre droit à :
une indemnité dans les limites prévues par le barème,
éventuellement un préjudice moral complémentaire lorsque la rupture verbale s’est accompagnée d’une atteinte à la dignité ou de mesures vexatoires (exclusion numérique, interdiction d’accès, humiliation publique).
Depuis 2024, plusieurs décisions reconnaissent également un droit à indemnisation spécifique lorsque le salarié a subi une désactivation brutale de ses accès informatiques, mesure assimilée à une rupture violente du lien contractuel.
Un employeur peut donc être condamné non seulement aux indemnités maximales prévues par le barème mais aussi à des dommages et intérêts distincts.
Procédures en cas de licenciement verbal
Avant et après l’entretien préalable : ce qui constitue réellement un licenciement verbal
En droit du travail, l’entretien préalable est une étape obligatoire avant tout licenciement. Pourtant, il arrive que l’employeur manifeste sa volonté de rupture avant même cet entretien, parfois de manière involontaire.
Dès lors qu’un employeur :
annonce son intention de licencier avant l’entretien,
informe des collègues ou des clients que le salarié “ne reviendra pas”,
interdit l’accès aux locaux,
ou retire les outils permettant au salarié de travailler,
les juges considèrent qu’il s’agit d’un licenciement verbal, même si aucune lettre n’a encore été envoyée.
Ce type d’initiative neutralise automatiquement la suite de la procédure : l’entretien préalable devient fictif, et la lettre formelle ne peut plus régulariser la rupture.
Mise à pied conservatoire et licenciement verbal : où se situe la frontière ?
La mise à pied conservatoire est légitime lorsqu’elle accompagne une procédure disciplinaire urgente.Cependant, elle ne doit jamais révéler une décision de licenciement déjà prise.
Une mise à pied peut être requalifiée en licenciement verbal si elle s'accompagne :
d’un refus d’accès aux locaux sans explication,
d’une désactivation des badges d’entrée,
d’un retrait des accès numériques internes,
ou d’un message interne annonçant implicitement le départ du salarié.
Lorsque ces modalités traduisent une volonté claire de rompre le contrat, la mise à pied devient juridiquement un licenciement de fait.
Conséquences juridiques d’un licenciement verbal
Le licenciement verbal est automatiquement irrégulier.Il entraîne systématiquement une qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse, car il ne respecte ni :
la procédure (entretien préalable),
ni la notification écrite exigée par le Code du travail [[art. L.1232-6 C. trav.]].
En cas de contentieux, le salarié peut obtenir :
une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (selon le barème Macron),
l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
l’indemnité compensatrice de préavis,
les congés payés afférents,
et, selon les circonstances, un préjudice moral en cas d’atteinte à la dignité ou de rupture brutale.
À noter : tous les motifs qui auraient pu justifier un licenciement deviennent juridiquement caducs, car le vice de forme est irrattrapable.
Comment contester un licenciement verbal ?
Demander une confirmation écrite
La première réaction du salarié doit être une demande formelle adressée à l’employeur pour confirmer ou infirmer le licenciement.Cette demande se fait par lettre recommandée avec accusé de réception.
L’absence de réponse n’empêche pas l’action prud’homale : elle renforce même la preuve de l’irrégularité.
Recours devant le conseil de prud’hommes
Si l’employeur refuse de confirmer ou fait silence, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes.
La requête doit :
exposer les faits,
décrire les circonstances du licenciement verbal,
lister les preuves (mails, SMS, témoignages, désactivation badge, constats),
et formuler les demandes d’indemnisation.
Une tentative de médiation peut être envisagée, mais elle reste facultative.
Pourquoi se faire accompagner par un avocat ?
Le licenciement verbal repose souvent sur un faisceau de preuves et des éléments de fait complexes :
propos tenus devant témoins,
messages internes,
suppression d’accès,
incohérences de procédure,
comportements laissant présumer la rupture.
L’assistance d’un avocat en droit du travail permet :
de qualifier juridiquement les faits,
de sécuriser les preuves,
d’éviter des erreurs de procédure,
et de maximiser les chances d’obtenir une indemnisation conforme au barème Macron voire supérieure en cas d’atteinte à une liberté fondamentale.
Ce qu'il faut retenir
Le licenciement verbal peut résulter d’une parole, d’un comportement ou d’un acte matériel.
Il rend la rupture irrégulière et ouvre droit à indemnisation.
La mise à pied conservatoire peut être requalifiée en rupture si elle exprime une volonté de licencier.
Le salarié doit rapidement formaliser sa demande et saisir les prud’hommes.
L’employeur doit absolument éviter toute annonce prématurée et respecter strictement la procédure écrite.
Gestion moderne des preuves et prévention numérique
Depuis 2024, les juridictions prêtent une attention particulière à la traçabilité numérique dans les entreprises. Les employeurs doivent être capables de démontrer :
la date exacte des convocations et échanges,
leur cohérence via les outils RH (logiciels de gestion, ERP, portails salariés),
l’absence de mesures précipitées visant à exclure le salarié du système avant la notification écrite.
Les directions RH sont fortement encouragées à :
conserver les logs d’accès,
archiver les échanges Teams / mails internes,
auditer les pratiques pour éviter toute rupture numérique prématurée.
Cette documentation numérique peut permettre de démontrer qu’aucune rupture verbale n’a été commise et constitue une protection essentielle en cas de contentieux.
FAQ sur le licenciement verbal
Le licenciement verbal, bien qu'illégal dans de nombreux systèmes juridiques, soulève de nombreuses questions tant pour les employeurs que pour les employés. Cette section vise à apporter des réponses claires et précises aux questions fréquemment posées, en s'appuyant sur les textes et articles de loi pertinents, afin de dissiper les incertitudes et de fournir des orientations fiables.
Le licenciement verbal est-il légalement reconnu ?
Le licenciement, pour être considéré comme valide, doit être formalisé par écrit. En France, par exemple, l'article L1232-6 du Code du travail stipule que la notification de licenciement doit être effectuée par lettre recommandée avec avis de réception. Ainsi, un licenciement exprimé oralement par l'employeur ne respecte pas les exigences légales et peut être contesté par le salarié.
Quels sont les premiers pas à suivre en cas de licenciement verbal ?
Si un employé se trouve face à un licenciement verbal, il est conseillé de demander une confirmation écrite de la décision de l'employeur. Cette démarche peut se faire par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception, demandant à l'employeur de clarifier sa position. L'absence de réponse ou le refus de formaliser le licenciement peut être utilisé comme élément dans le cadre d'une contestation.
Comment contester un licenciement verbal ?
La contestation d'un licenciement verbal s'effectue généralement devant le Conseil de prud'hommes. Le salarié doit y déposer une requête exposant les faits et demandant la reconnaissance de l'irrégularité du licenciement. Il est fortement recommandé de se faire accompagner par un avocat spécialisé en droit du travail pour assurer la pertinence et la solidité du dossier.
Quelles sont les conséquences d'un licenciement verbal pour l'employeur ?
Un licenciement verbal peut exposer l'employeur à des risques juridiques significatifs, notamment la requalification du licenciement en "sans cause réelle et sérieuse" ou même en "licenciement nul" si le salarié parvient à démontrer une atteinte à ses droits fondamentaux. Cela peut entraîner le versement de dommages et intérêts au profit du salarié.
Le salarié peut-il accepter un licenciement verbal ?
Bien que le salarié puisse être tenté d'accepter un licenciement verbal pour diverses raisons, il est important de rappeler que cette acceptation ne régularise pas la procédure. Le salarié conserve le droit de contester le licenciement pour non-respect des formes légales.
Le licenciement verbal pose de nombreuses questions juridiques et pratiques. Il est essentiel pour les employeurs de respecter scrupuleusement les procédures légales de licenciement pour éviter les litiges. Quant aux employés, il est crucial de connaître leurs droits et les démarches à entreprendre en cas de licenciement verbal pour se protéger efficacement.


