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L’excès de vitesse dans le cadre professionnel : une faute justifiant un licenciement ?

  • Photo du rédacteur: Le Bouard Avocats
    Le Bouard Avocats
  • 20 mars
  • 5 min de lecture

Les règles à retenir sur l’excès de vitesse et le licenciement


  • Une faute disciplinaire mais pas toujours grave : Un excès de vitesse dans l’exercice des fonctions peut être sanctionné, mais ne justifie pas systématiquement un licenciement pour faute grave.

  • L’impossibilité d’exercer son travail doit être avérée : Si le salarié propose des solutions alternatives crédibles (co-voiturage, véhicule sans permis), l’employeur ne peut pas invoquer une impossibilité totale de mission pour justifier la rupture du contrat.

  • L’employeur a une obligation de prévention des risques routiers : Un manque de formation à la sécurité routière peut jouer en faveur du salarié en cas de litige, rendant le licenciement contestable.




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L'exécution du contrat de travail impose au salarié de respecter des obligations spécifiques, notamment en matière de sécurité. Lorsqu’un salarié itinérant commet un excès de vitesse dans le cadre de ses fonctions, l’employeur peut-il engager une procédure de licenciement ?


La question est complexe, car elle implique un équilibre entre le pouvoir disciplinaire de l’employeur et les droits du salarié. La jurisprudence récente apporte des précisions essentielles sur l’évaluation de la gravité de la faute et les conditions du licenciement.


L’excès de vitesse en mission : une faute disciplinaire avérée


L’employeur peut-il sanctionner une infraction routière ?


Lorsqu’un salarié commet une infraction au code de la route dans l’exercice de ses fonctions, l’employeur est en droit de le sanctionner si cela a une incidence sur l’exécution du contrat de travail. En effet, la Cour de cassation rappelle que les manquements commis dans le cadre professionnel relèvent du pouvoir disciplinaire de l’employeur.


Ainsi, dans une décision du 22 janvier 2025 (Cass. soc. 22-1-2025 n° 23-20.792), la Cour a confirmé que le dépassement de vitesse supérieur à 40 km/h d’un salarié itinérant constituait bien une faute, justifiant une sanction. Toutefois, la gravité de la faute dépend des circonstances spécifiques de l’infraction et de l’attitude du salarié.


Faute simple, faute grave ou faute lourde ?


L'excès de vitesse constitue un comportement fautif, mais son degré de gravité doit être analysé selon plusieurs critères :


  • L’ancienneté du salarié et son historique disciplinaire : un employé avec un parcours exemplaire sera jugé différemment d’un salarié déjà sanctionné pour des infractions similaires.

  • Les conséquences de l’excès de vitesse : s’il a entraîné une suspension du permis ou un accident, la faute est aggravée.

  • Les mesures prises par le salarié après l’infraction : le fait d’informer immédiatement l’employeur et de proposer des solutions alternatives peut atténuer la gravité de la faute.


Dans l’affaire précitée, la Cour de cassation a estimé que le salarié n’avait jamais été sanctionné pour d’autres infractions routières et avait proposé des alternatives crédibles (location d’un véhicule sans permis, co-voiturage avec un collègue). Dès lors, le licenciement pour faute grave était jugé disproportionné.


Peut-on licencier un salarié pour suspension de permis de conduire ?


Un salarié dont le permis est suspendu peut-il continuer à travailler ?


L’un des arguments fréquemment avancés par l’employeur dans ce type de dossier est l’impossibilité d’exécuter les missions confiées. Pourtant, la jurisprudence nuance cette approche :


  • Si le permis de conduire est indispensable à l’exercice du poste, la suspension du permis peut justifier une rupture du contrat (Cass. soc. 18-1-2012 n° 10-30.677).

  • En revanche, si des solutions alternatives sont envisageables, l’employeur ne peut se prévaloir d’une impossibilité absolue d’exécution du contrat.


Dans l’arrêt du 22 janvier 2025, la Cour de cassation a estimé que le salarié avait démontré sa capacité à poursuivre son activité malgré la suspension de son permis. Il avait proposé des solutions alternatives, et son contrat de travail n’imposait pas l’usage du véhicule de fonction.


Absence de faute grave en cas de solutions alternatives


La faute grave suppose une violation des obligations contractuelles rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Or, dans cette affaire :


  • Le salarié avait immédiatement informé l’employeur de la suspension de son permis, démontrant ainsi une attitude transparente et responsable.

  • Il avait proposé des solutions crédibles pour assurer la continuité de son activité.

  • L’employeur ne justifiait pas d’une impossibilité absolue d’organiser le travail différemment.


En conséquence, la Cour de cassation a invalidé le licenciement pour faute grave, le jugeant disproportionné.


Quelles obligations pour l’employeur en matière de prévention des risques routiers ?


L’obligation de prévention des risques professionnels


Le droit du travail impose à l’employeur une obligation de sécurité, y compris en matière de conduite professionnelle. L’article L. 4121-1 du Code du travail prévoit que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.


Dans l’affaire jugée en 2025, les juges ont reproché à l’employeur de ne pas avoir mis en place une politique de prévention efficace. En effet, en 8 ans d’ancienneté, le salarié n’avait bénéficié que d’une unique formation à la conduite responsable.


L’absence de formation régulière à la prévention des risques routiers a donc été considérée comme une défaillance de l’employeur, ce qui a joué en faveur du salarié.


Sensibilisation et prévention : des obligations concrètes


Pour limiter les risques et éviter les contentieux, les entreprises doivent mettre en place des mesures de prévention :


  • Formations régulières sur la sécurité routière et les bonnes pratiques de conduite.

  • Suivi des infractions commises avec les véhicules de fonction.

  • Mise en place d’une charte de bonne conduite signée par les salariés itinérants.

  • Contrôles périodiques des véhicules mis à disposition.


Un employeur qui néglige ces obligations s’expose à une contestation du licenciement en cas d’accident ou d’infraction grave commise par un salarié.


Quelles sont les conséquences pour le salarié ?


Sanctions disciplinaires possibles


Même si le licenciement pour faute grave peut être jugé abusif dans certains cas, l’excès de vitesse reste un comportement fautif pouvant donner lieu à :


  • Un avertissement : en cas de première infraction isolée.

  • Une mise à pied disciplinaire : si l’excès de vitesse est répété ou particulièrement dangereux.

  • Un licenciement pour cause réelle et sérieuse : si le salarié met en danger sa sécurité ou celle des autres et qu’aucune alternative n’est envisageable.


Indemnités en cas de licenciement


Si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre aux indemnités suivantes :


  • Indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc. 28-2-2018 n° 17-11.334).

  • Indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (Cass. soc. 15-1-2014 n° 12-22.117).

  • Dommages et intérêts pour licenciement abusif, dont le montant est fixé en fonction du préjudice subi.



L’excès de vitesse d’un salarié itinérant peut légitimement faire l’objet d’une sanction disciplinaire, mais il ne justifie pas systématiquement un licenciement pour faute grave. L’employeur doit analyser la gravité des faits, vérifier l’existence d’alternatives viables et s’assurer qu’il a bien rempli ses obligations en matière de prévention des risques routiers.


Ainsi, dans l’arrêt du 22 janvier 2025, le licenciement a été jugé disproportionné, car le salarié avait proposé des solutions crédibles et que l’employeur ne démontrait pas l’impossibilité de poursuivre l’activité autrement. Cette décision rappelle aux entreprises l’importance de la prévention routière et de l’évaluation rigoureuse de la gravité des fautes commises par leurs salariés.

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