Divorce et entreprise familiale : que deviennent les époux associés dans une même société ?
- Le Bouard Avocats
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Divorce et entreprise familiale : les règles essentielles à connaître
Lorsqu’un couple marié crée une société commune, la question du sort de l’entreprise en cas de divorce devient centrale. Les conséquences juridiques et économiques sont importantes et doivent être anticipées. Voici les cinq points essentiels à retenir :
Le régime matrimonial détermine la propriété et le partage des parts sociales (communauté, séparation de biens, participation aux acquêts).
Le divorce par consentement mutuel permet d’organiser librement le sort de l’entreprise et de sécuriser son avenir.
En cas de divorce contentieux, le juge peut imposer un partage judiciaire ou une attribution forcée des parts sociales.
Les statuts et un pacte d’associés bien rédigés permettent d’anticiper les conflits et de protéger l’outil de travail.
L’accompagnement d’un avocat, compétent en droit de la famille et en droit des affaires, est indispensable pour préserver la continuité de l’entreprise.

Créer une entreprise en couple séduit de nombreux époux. Ils y voient une opportunité de conjuguer leurs compétences, de partager les responsabilités et de développer ensemble un projet commun. L’entreprise familiale constitue ainsi un prolongement de la communauté de vie et de patrimoine.
Cependant, cette situation, qui peut paraître idéale en période d’entente, révèle toute sa complexité lorsque le couple se sépare. Le divorce ne se limite pas à une rupture affective, il emporte également des conséquences patrimoniales et organisationnelles.
Dès lors, une question essentielle se pose : que deviennent les parts sociales et le fonctionnement de l’entreprise lorsque les époux associés divorcent ? La réponse dépend largement du régime matrimonial choisi au moment du mariage et de la structuration de la société.
Comprendre la situation des époux associés dans une entreprise familiale
Entreprise familiale et couple marié : un modèle fréquent en France
Une proportion importante des petites et moyennes entreprises françaises repose sur un modèle familial. Dans de nombreux cas, les conjoints partagent à la fois leur vie personnelle et leur projet entrepreneurial. Cette réalité souligne l’importance de comprendre les règles juridiques applicables, afin de prévenir les conflits lors d’une rupture.
Le statut juridique des époux associés et co-gérants dans une société
Lorsque deux époux sont associés dans une même société, plusieurs configurations sont possibles. Ils peuvent détenir des parts sociales dans une société à responsabilité limitée, être actionnaires dans une société par actions simplifiée ou encore gérer ensemble une société civile.
L’un peut être gérant ou président, l’autre simple associé, ou bien les deux peuvent partager la fonction de direction.
Ces statuts déterminent leurs droits et leurs obligations. En cas de divorce, la continuité de l’entreprise dépendra du cadre juridique défini par les statuts et du régime matrimonial qui régit leurs biens.
Divorce et régime matrimonial : impact sur les parts sociales de l’entreprise
Le régime matrimonial est déterminant pour apprécier le sort des parts sociales et leur répartition au moment du divorce. Trois situations principales peuvent être distinguées.
La communauté réduite aux acquêts : il s’agit du régime légal en l’absence de contrat de mariage. Les parts sociales acquises pendant le mariage entrent dans la communauté et appartiennent donc aux deux époux. Les parts détenues avant le mariage ou reçues par donation ou succession restent des biens propres.
La séparation de biens : chaque époux reste seul propriétaire des biens qu’il acquiert, y compris des parts sociales. Ce régime offre une indépendance patrimoniale et permet de protéger l’entreprise contre les effets d’un divorce.
La participation aux acquêts : ce régime hybride fonctionne comme une séparation de biens pendant le mariage, mais au moment de la dissolution, un droit de créance est reconnu à l’époux qui s’est le moins enrichi. Ce mécanisme peut affecter indirectement la valorisation des parts sociales.
Ainsi, le régime matrimonial conditionne directement la stabilité et la pérennité de l’entreprise en cas de rupture. La compréhension de ces règles est donc essentielle pour anticiper et sécuriser la gestion d’une société détenue par deux conjoints.

Divorce et société commune : quelles conséquences pour les époux associés ?
Lorsqu’un couple marié est associé dans une même société, la dissolution du mariage entraîne nécessairement des incidences sur la répartition des droits sociaux et sur l’équilibre de la gouvernance.
Le Code civil organise la liquidation des régimes matrimoniaux aux articles 1441 et suivants, et ces dispositions s’appliquent directement aux parts sociales inscrites dans le patrimoine commun ou individuel des époux.
Divorce par consentement mutuel et entreprise familiale : comment organiser le partage des parts sociales
La procédure de divorce par consentement mutuel, prévue à l’article 229-1 du Code civil, permet aux époux de mettre fin à leur union par une convention rédigée par leurs avocats, sans intervention du juge, sauf cas particuliers.
Ce dispositif, issu de la réforme de 2017, constitue un outil particulièrement adapté aux couples qui souhaitent préserver la stabilité de leur entreprise commune.
La convention peut en effet régler de manière détaillée le sort des parts sociales. Les conjoints peuvent prévoir que l’un rachète la participation de l’autre, décider de conserver leurs qualités d’associés malgré la séparation, ou organiser la cession des droits sociaux à un tiers. Cette souplesse contractuelle est l’un des atouts majeurs du divorce amiable.
Dans ce cadre, la sécurité juridique est renforcée puisque l’acte est contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire. C’est précisément l’objet du divorce par consentement mutuel, qui favorise un règlement rapide et maîtrisé des conséquences patrimoniales du divorce.
Divorce contentieux et entreprise familiale : quels risques pour la répartition des droits sociaux
En dehors de la voie amiable, le divorce peut être contentieux. Le Code civil distingue alors le divorce pour acceptation du principe de la rupture, le divorce pour altération définitive du lien conjugal et le divorce pour faute. Ces procédures sont plus longues et exposent les époux à des blocages.
Lorsque les conjoints ne parviennent pas à s’accorder sur le sort de leurs droits sociaux, le juge aux affaires familiales est compétent pour trancher. Il peut ordonner le partage judiciaire des parts, attribuer les droits sociaux à l’un des époux moyennant soulte ou indemnité, ou imposer une expertise destinée à fixer la valeur des participations.
Ces solutions, bien qu’efficaces, fragilisent souvent l’entreprise et peuvent ralentir sa dynamique.
Divorce et gouvernance d’entreprise : paralysie des décisions et sort du gérant
Au-delà du partage des droits sociaux, le divorce a un impact direct sur la gouvernance. La mésentente entre ex-conjoints associés peut conduire à une véritable paralysie décisionnelle, notamment lorsque les statuts exigent l’unanimité pour certaines résolutions.
Le sort des fonctions de direction doit également être envisagé.
Dans une SARL, le gérant peut être révoqué par décision des associés, conformément à l’article L.223-25 du Code de commerce. Dans une SAS, les conditions de révocation du président sont fixées par les statuts. Le divorce constitue donc un facteur de fragilité, car il remet en cause la continuité du mandat social lorsque la confiance entre les ex-époux est rompue.
En définitive, la rupture du mariage ne se limite pas à une question personnelle : elle modifie en profondeur les équilibres de l’entreprise et impose une réflexion juridique rigoureuse.

Anticiper les effets du divorce pour protéger l’entreprise familiale
Lorsqu’un couple marié s’engage dans un projet entrepreneurial commun, il est essentiel d’anticiper les conséquences possibles d’une rupture.
L’expérience démontre que l’absence de précautions statutaires ou contractuelles peut fragiliser gravement la continuité de l’activité. Plusieurs outils juridiques existent afin de protéger la société contre les effets d’un divorce et d’assurer une gouvernance stable.
Statuts de société et divorce : l’importance des clauses d’agrément et de sortie
Les statuts d’une société constituent son véritable socle juridique. Ils peuvent, et doivent, intégrer des clauses spécifiques permettant de réguler l’entrée et la sortie des associés. En présence d’époux associés, certains dispositifs se révèlent particulièrement utiles.
La clause d’agrément : prévue à l’article L.223-14 du Code de commerce pour les SARL et à l’article L.227-14 pour les SAS, cette clause permet de subordonner la cession de parts sociales à l’accord des autres associés. Ainsi, si l’un des époux envisage de céder ses droits sociaux à l’issue d’un divorce, l’autre conjoint ne pourra pas imposer sa présence au capital sans l’accord des associés. Ce mécanisme limite le risque de voir un ex-conjoint hostile rester actionnaire malgré la rupture.
La clause de rachat forcé ou de sortie : il s’agit d’une disposition prévoyant que, dans certaines hypothèses (dont le divorce), l’un des associés peut être contraint de céder ses parts à l’autre ou à la société. Ce type de clause protège l’entreprise contre les situations de blocage et assure la continuité de la direction.
En pratique, ces stipulations statutaires jouent un rôle dissuasif : elles incitent les époux à trouver une solution amiable, sous peine d’être écartés de la structure dans des conditions préalablement fixées.
Le pacte d’associés face au divorce : un outil pour prévenir les conflits
Au-delà des statuts, les époux associés peuvent conclure un pacte d’associés. Ce document contractuel, qui n’a pas vocation à être publié, permet d’organiser de manière confidentielle les relations entre associés et de prévoir des mécanismes spécifiques en cas de rupture.
Un pacte d’associés bien rédigé peut notamment :
instaurer une procédure de rachat prioritaire des parts de l’ex-conjoint ;
prévoir des modalités de valorisation des titres afin d’éviter les litiges d’évaluation (recours à un expert indépendant par exemple) ;
fixer des règles de gouvernance transitoires pour assurer la gestion de la société jusqu’au règlement définitif de la séparation.
L’intérêt de cet instrument réside dans sa souplesse et dans sa capacité à compléter les statuts en s’adaptant aux besoins concrets des associés.
Protéger l’outil de travail lors d’un divorce : éviter la paralysie de l’entreprise familiale
La société constitue souvent l’actif principal du couple. Or, en l’absence de dispositions spécifiques, le divorce peut compromettre la pérennité de l’entreprise. Les exemples jurisprudentiels abondent de structures paralysées par la mésentente des ex-époux associés, faute d’avoir anticipé ces situations dès la constitution.
L’anticipation permet d’éviter :
la paralysie des organes de décision ;
la dévalorisation de l’entreprise liée à l’incertitude ;
la perte de confiance des partenaires financiers et commerciaux.
La protection de l’outil de travail suppose donc d’intégrer, dès la création de la société, des mécanismes statutaires et contractuels adaptés, afin que l’activité puisse se poursuivre indépendamment de l’évolution de la vie personnelle des fondateurs.
L’accompagnement de l’avocat dans un divorce impliquant une entreprise familiale
L’avocat joue un rôle central dans ce processus. Sa double compétence en droit de la famille et en droit des affaires lui permet d’apporter une vision globale, adaptée aux spécificités des époux associés.
Son intervention se manifeste à plusieurs niveaux :
sécuriser les statuts dès la création : l’avocat veille à intégrer les clauses nécessaires pour prévenir les conflits et protéger la société ;
gérer la sortie d’un époux associé : en cas de divorce, il accompagne la cession des parts, négocie les conditions de rachat et veille à la régularité des opérations ;
préserver l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle : en conseillant sur l’articulation entre régime matrimonial, droits sociaux et gouvernance.
L’avocat apparaît ainsi comme un garant de stabilité et de continuité, dont l’action permet d’éviter que le conflit conjugal ne se répercute sur la santé économique de la société.
Le divorce d’époux associés dans une même société n’implique pas nécessairement la disparition de l’entreprise commune. Avec des clauses adaptées et une anticipation juridique rigoureuse, il est possible de préserver la continuité de l’activité.
L’anticipation par la rédaction de statuts protecteurs, la conclusion d’un pacte d’associés et la mise en place de clauses de sortie constitue la meilleure garantie contre les blocages.
Enfin, le rôle de l’avocat est déterminant. Par sa compétence transversale, il sécurise les opérations et accompagne les dirigeants dans la préservation de leur outil professionnel. En ce sens, il constitue un allié indispensable pour assurer l’avenir de l’entreprise malgré la rupture du lien conjugal.
FAQ – Divorce et entreprise familiale : époux associés
1. Que deviennent les parts sociales détenues par des époux en cas de divorce ?
Le sort des parts sociales dépend du régime matrimonial choisi. Sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, les parts acquises pendant le mariage sont communes et doivent être partagées lors du divorce.
En séparation de biens, chaque conjoint conserve la propriété exclusive de ses parts.
Enfin, sous le régime de participation aux acquêts, une créance peut être due par l’un des époux en fonction de l’enrichissement constaté au moment de la dissolution du mariage.
2. Peut-on rester associés après un divorce ?
Rien n’interdit juridiquement à des ex-conjoints de demeurer associés. Toutefois, cette situation peut générer des tensions et compromettre la gouvernance. Il est souvent préférable d’organiser une sortie amiable, par rachat des parts ou par cession à un tiers, afin de préserver la stabilité de la société.
3. Le divorce par consentement mutuel facilite-t-il le règlement du sort de l’entreprise commune ?
Oui. La convention de divorce par consentement mutuel permet aux époux de fixer librement le sort de leurs parts sociales. Ils peuvent convenir d’un rachat, d’une cession ou d’un maintien en indivision temporaire. Ce mode amiable offre une plus grande souplesse et limite les risques de blocage pour l’entreprise.
4. Que se passe-t-il si les époux n’ont rien prévu dans les statuts de la société ?
En l’absence de clauses spécifiques (agrément, rachat forcé, pacte d’associés), le divorce peut entraîner une paralysie de l’entreprise. Le juge aux affaires familiales peut alors ordonner un partage judiciaire ou une attribution forcée des parts. Cette absence d’anticipation fragilise l’outil professionnel et peut déstabiliser durablement la société.
5. Quel est le rôle de l’avocat dans un divorce impliquant une entreprise familiale ?
L’avocat dispose d’une double compétence en droit des affaires et en droit de la famille. Il conseille les époux sur la rédaction des statuts et des pactes d’associés, organise le rachat ou la cession des parts et veille à la protection de l’entreprise. Son intervention est déterminante pour sécuriser la continuité de l’activité malgré la rupture conjugale.