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Association et impôt sur les sociétés : quand le non lucratif devient lucratif

  • Photo du rédacteur: Le Bouard Avocats
    Le Bouard Avocats
  • il y a 12 heures
  • 8 min de lecture

Une association peut être imposée si elle finance son activité lucrative avec ses revenus non lucratifs


  • Lorsqu’une association utilise les excédents de son activité non lucrative pour soutenir une activité lucrative, elle perd sa gestion désintéressée au sens de l’article 206 du Code général des impôts.

  • La « communauté d’intérêts » entre les deux secteurs (non lucratif et lucratif) suffit à justifier l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés et à la TVA, même en l’absence de distribution de bénéfices.

  • Le juge administratif apprécie la situation de manière concrète : flux financiers croisés, absence de comptes séparés ou investissements lucratifs financés par le non lucratif sont autant d’indices déterminants.

  • Pour rester exonérée, l’association doit garantir une étanchéité comptable, bancaire et organisationnelle entre ses activités, documenter ses affectations d’excédents et éviter tout financement interne non justifié.

  • La requalification fiscale peut avoir des conséquences lourdes : rappels d’impôts, pénalités, perte de subventions et atteinte à la crédibilité de la structure vis-à-vis de ses partenaires publics ou mécènes.





La frontière entre activité lucrative et activité non lucrative constitue un enjeu fiscal majeur pour de nombreuses associations. Si la loi du 1er juillet 1901 permet à une structure d’exercer des activités économiques accessoires, ces dernières ne doivent pas compromettre la gestion désintéressée de l’organisme.


Lorsque les excédents issus du secteur non lucratif servent à financer une activité lucrative, l’association s’expose à une requalification de l’ensemble de ses activités au regard de l’impôt sur les sociétés (IS) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).


Une récente décision de la cour administrative d’appel de Lyon, confirmée par le Conseil d’État, illustre parfaitement cette problématique : la communauté d’intérêts entre les deux secteurs d’une même association peut suffire à exclure la gestion désintéressée et donc à déclencher l’imposition du secteur dit « non lucratif ».




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Les critères de la gestion désintéressée : un socle à maîtriser


Une condition essentielle pour bénéficier des exonérations


L’article 206 du Code général des impôts prévoit que les associations dont la gestion est désintéressée ne sont pas passibles de l’impôt sur les sociétés, sous réserve que leurs activités non lucratives soient prépondérantes. Cette gestion désintéressée repose sur trois conditions cumulatives :


  • les dirigeants exercent leurs fonctions à titre bénévole, sans intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation ;

  • l’organisme ne procède à aucune distribution de bénéfices, sous quelque forme que ce soit ;

  • les membres ne peuvent être attributaires d’une part quelconque de l’actif, sauf reprise d’apports.


Le non-respect de l’un seul de ces critères suffit à faire perdre à l’association le bénéfice de la franchise d’impôt.

La sectorisation : un mécanisme toléré mais exigeant


Lorsqu’une association exerce à la fois des activités lucratives et non lucratives, la doctrine administrative admet une sectorisation.


Chaque secteur est alors soumis à son régime propre, à condition que les activités soient clairement dissociables sur les plans comptable, financier et organisationnel.


Encore faut-il que cette séparation soit réelle :


  • existence de comptes bancaires distincts ;

  • comptabilité analytique permettant d’identifier les charges et produits de chaque secteur ;

  • absence de flux financiers croisés entre secteurs ;

  • affectation des excédents non lucratifs au seul objet non lucratif.


À défaut, la sectorisation devient inopérante, et l’administration peut soumettre l’ensemble des activités aux impôts commerciaux.



Quand la frontière s’efface : la notion de communauté d’intérêts


Le principe dégagé par la jurisprudence


La cour administrative d’appel de Lyon a jugé qu’une association qui utilise les excédents générés par une activité non lucrative pour financer des investissements dans son secteur lucratif ne peut être regardée comme ayant une gestion désintéressée.Autrement dit, le secteur non lucratif procure un avantage concurrentiel indirect au secteur lucratif.


Dans cette affaire, l’association organisait une manifestation culturelle à vocation patrimoniale et sociale, tout en exploitant parallèlement des parcs à thème commerciaux.


Les bénéfices dégagés par l’événement culturel avaient été réaffectés au développement des parcs, ce qui traduisait une véritable communauté d’intérêts entre les deux secteurs.


Le juge a donc considéré que le financement croisé excluait toute gestion désintéressée, entraînant l’assujettissement du secteur non lucratif à l’IS et à la TVA.


La « contamination » du non lucratif par le lucratif


Cette approche s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle la lucrativité peut se propager d’un secteur à l’autre dès lors qu’il existe des liens économiques et financiers étroits.


Ainsi, même sans distribution de bénéfices aux membres, le simple fait qu’une activité non lucrative soutienne une activité concurrentielle suffit à remettre en cause l’exonération fiscale.


Il s’agit d’une véritable « lucrativité par contamination », qui repose non pas sur la recherche de profit individuel, mais sur l’avantage procuré à une activité commerciale interne.


Les conséquences fiscales de la perte de gestion désintéressée


Assujettissement à l’impôt sur les sociétés et à la TVA


Lorsqu’une association perd le bénéfice de la gestion désintéressée, ses activités non lucratives sont requalifiées. Elle devient alors redevable de l’impôt sur les sociétés pour ces activités et perd l’exonération de TVA prévue pour les organismes à but non lucratif.

Les conséquences financières sont considérables :


  • rappel d’impôts sur plusieurs exercices non prescrits ;

  • application des intérêts de retard et, éventuellement, de pénalités pour manquements déclaratifs ;

  • taxation corrélative à la contribution économique territoriale (CFE et CVAE).


Effets indirects sur la gouvernance associative


Au-delà des incidences fiscales, la requalification d’un secteur non lucratif fragilise l’équilibre institutionnel de l’association :


  • remise en cause de subventions publiques fondées sur le caractère non lucratif ;

  • perte de la confiance des mécènes et partenaires publics ;

  • nécessité de revoir les statuts et la gouvernance pour éviter de nouvelles contaminations entre secteurs.





Comment préserver la gestion désintéressée : les bonnes pratiques


Séparer strictement les flux et les comptes


La première règle est celle de la transparence comptable. Chaque secteur doit disposer de ses propres instruments financiers :


  • comptes bancaires distincts ;

  • suivi analytique séparé des charges, produits et investissements ;

  • budgets prévisionnels individualisés ;

  • justification de l’origine et de l’affectation de chaque excédent.


Cette séparation doit être matérialisée dans les statuts et validée par les instances dirigeantes.

Encadrer les transferts de fonds


Tout transfert de ressources entre secteurs doit être exceptionnel, justifié et documenté.


À défaut, il sera interprété comme un financement indirect d’une activité commerciale.


Une association peut, par exemple, facturer une prestation de services entre ses deux secteurs à prix de marché, mais elle ne peut pas utiliser les bénéfices de son activité culturelle pour investir dans un projet commercial.


Réviser régulièrement la sectorisation


La structure des activités doit être réévaluée chaque année pour s’assurer que les critères de dissociation demeurent remplis.Il convient d’examiner :


  • la proportion des recettes issues d’activités lucratives ;

  • la répartition des moyens matériels et humains ;

  • les flux financiers internes ;

  • la conformité aux critères de l’article 206 du Code général des impôts.


Un rapport annuel de conformité fiscale peut être annexé aux comptes pour anticiper tout risque de requalification.

Ce qu’il faut retenir


  • Le financement croisé entre secteurs non lucratif et lucratif fait perdre à une association sa gestion désintéressée.

  • La conséquence est l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés et à la TVA sur l’ensemble du secteur concerné.

  • Pour se prémunir, l’association doit garantir une étanchéité absolue entre ses activités, sur les plans comptable, bancaire et décisionnel.

  • La notion de communauté d’intérêts constitue désormais un critère décisif d’analyse du caractère désintéressé de la gestion.



La frontière entre but non lucratif et activité commerciale est plus fragile qu’il n’y paraît. La jurisprudence récente confirme que l’administration et le juge administratif ne se limitent pas à l’examen des statuts ou du bénévolat des dirigeants : ils apprécient la réalité économique de la gestion.


Dès lors qu’une activité non lucrative sert à soutenir une activité concurrentielle, l’association entre dans le champ des impôts commerciaux, même si aucune distribution de bénéfices n’est opérée.


Les dirigeants associatifs ont donc tout intérêt à revoir leur modèle économique, à documenter leur sectorisation et à mettre en place des procédures internes rigoureuses pour garantir la transparence des flux. C’est à ce prix que la gestion désintéressée, condition sine qua non de la neutralité fiscale des associations, pourra être préservée.


FAQ – Gestion désintéressée et impôt sur les sociétés pour les associations


Qu’est-ce que la gestion désintéressée au sens du Code général des impôts ?


La gestion désintéressée est la condition centrale qui permet à une association de rester exonérée d’impôt sur les sociétés (IS) et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Elle suppose que :

  • Les dirigeants exercent à titre bénévole, sans percevoir de rémunération disproportionnée ou d’avantages indirects.

  • L’association ne procède à aucune distribution de bénéfices, sous quelque forme que ce soit (primes, ristournes, avantages en nature).

  • Les membres ne peuvent pas être attributaires de l’actif en cas de dissolution, sauf reprise d’apports.


Le respect de ces trois conditions est cumulatif. Si l’une d’entre elles fait défaut, la gestion perd son caractère désintéressé et l’association devient passible des impôts commerciaux pour tout ou partie de son activité.



Dans quels cas une association peut-elle être soumise à l’impôt sur les sociétés ?


Une association est soumise à l’impôt sur les sociétés dans trois situations principales :


  1. Perte de la gestion désintéressée : par exemple, lorsque les dirigeants sont rémunérés au-delà des plafonds admis ou que des excédents profitent à des membres.

  2. Activité concurrentielle exercée dans des conditions commerciales : si l’association vend des biens ou services dans le même secteur et selon les mêmes méthodes qu’une entreprise.

  3. Financement croisé entre secteurs : si les excédents du secteur non lucratif sont utilisés pour soutenir ou financer le secteur lucratif, créant ainsi une « communauté d’intérêts ».


Dans ce dernier cas, le secteur non lucratif perd son indépendance et devient imposable, même s’il n’a pas de but lucratif direct.


Qu’est-ce qu’une « communauté d’intérêts » entre secteurs lucratif et non lucratif ?


La communauté d’intérêts désigne une situation dans laquelle deux secteurs d’une même association l’un non lucratif, l’autre lucratif partagent des ressources, des moyens humains ou financiers de manière indissociable.


Concrètement, elle se manifeste lorsque :


  • les bénéfices du secteur non lucratif servent à financer des investissements ou des projets du secteur lucratif ;

  • les deux secteurs utilisent les mêmes moyens matériels ou personnels sans ventilation claire des coûts ;

  • les comptes bancaires et flux financiers ne sont pas séparés ;

  • la communication de l’association valorise le secteur lucratif grâce aux actions non lucratives (effet d’image ou publicité indirecte).


Dans ce contexte, le secteur non lucratif procure un avantage concurrentiel indirect au secteur lucratif, ce qui suffit à exclure la gestion désintéressée au regard de la fiscalité.


Comment une association peut-elle éviter la requalification de son secteur non lucratif ?


Pour conserver la gestion désintéressée, une association doit démontrer une étanchéité complète entre ses secteurs d’activité. Les bonnes pratiques consistent à :


  • Ouvrir des comptes bancaires distincts pour chaque secteur (lucratif et non lucratif).

  • Tenir une comptabilité analytique séparée, retraçant précisément les charges et produits par activité.

  • Formaliser un plan de sectorisation, validé en assemblée générale et actualisé chaque année.

  • Encadrer strictement les transferts de fonds entre secteurs (justification, prix de marché, facturation interne).

  • Documenter l’usage des excédents du secteur non lucratif, qui doivent toujours être affectés à des missions d’intérêt général.


Une telle rigueur comptable et organisationnelle constitue le meilleur bouclier contre une requalification par l’administration fiscale.


Quelles sont les conséquences d’une perte de gestion désintéressée ?


La perte de gestion désintéressée entraîne plusieurs conséquences fiscales et juridiques :


  • Assujettissement à l’impôt sur les sociétés pour le secteur concerné, voire pour l’ensemble de l’association si les flux sont confus.

  • Perte de l’exonération de TVA sur les activités auparavant considérées comme non lucratives.

  • Rappels d’impôts rétroactifs, assortis d’intérêts de retard et de pénalités pour manquement déclaratif.

  • Soumission à la contribution économique territoriale (CFE et CVAE).

  • Risque de remise en cause de subventions publiques ou de partenariats, les financeurs exigeant souvent un statut fiscal clair.


En pratique, une requalification peut fragiliser durablement la structure. D’où l’importance de mettre en place un contrôle interne rigoureux et de solliciter un accompagnement juridique ou fiscal spécialisé avant toute opération impliquant plusieurs secteurs d’activité.

 
 
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